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Traverse continue...
Didier FELDMANN, L'Histoire se répète, 3'19, 2012, France
Vidéaste et œil aux aguets, Didier Feldmann tient un blog qui décrypte les
manières d’écrire en cinéma, et en photographie, sans redouter de rédiger
des critiques incisives…
Ces films ont ce même regard qui ne se laisse pas emporter par le mouve-
ment d’une image la plus calculée soit-elle. Ils déconstruisent à coups de
dents numériques, les mirages de ce que d’aucuns encensent au nom de la
belle image. Ainsi L’Histoire se répète ramène la grandiloquence de Léna Riefenstahl à ce qu’elle fonde,
le film de propagande qui ne laisse aucun espace pour un regardeur pensant. En effet, le montage
parallèle sans ambiguïté rassemble les gestes de la foule conditionnée à l’idéologie de la race pure à ceux
des sportifs qu’elle nomma “Dieux du stade”. Il passe des mouvements sportifs à ceux de la cohorte nazie;
par la reprise de quelques images empêchant la levée du bras, il ridiculise les gestes d’Hitler mais aussi
de cette mère à l’enfant, qui les apprend à son enfant.
Il ne cite pas le passé comme morceau de témoignage, nous connaissons ces images, il défait ces plans,
en démonte le système.
Il vise ainsi le réveil au-delà de la fascination des mouvements de foule, le réveil sur ces corps de sportifs
trop canoniques ; il les qualifie de ferments de cette aliénation.
Cependant après avoir réifié ces êtres par le flicker, le split-screen et la perte du gros plan par sa reprise
dans un même champ, par l’image mosaïque et autres variations électroniques, il navigue jusqu’à
l’histoire immédiate. Le révolver de départ de course de Jeux olympiques censés prouver le pacifisme
d’Hitler, est actionné en réitération. Après le passage par la séquence de l’assassinat de Kennedy
désormais visible, puisque libérée du secret d’état, ce sont les tours que l’on abat.
Se mêle dans ses actes de destruction, celle de soi, la désappropriation de sa pensée par acceptation non
pensée d’un modèle.
La “ritournelle” de Colleen, sans paroles, relie absolument au-delà du temps, ces gestes mortifères ; elle
n’est pas de deuil, cependant, mais répétitive comme assurance de ce présent de vérité…
Simone Dompeyre
Alexei DMITRIEV, Hermeneutics, 3'15, 2012, Russie
Dans la discipline philosophique appelée par le titre, se retrouvent le dieu
Hermès et ses paroles de divination, paroles au sens oblique, sens à
produire. Une démarche qui doit maîtriser des règles d’interprétation, qui
doit savoir suivre les pistes des signes pour atteindre le sous-texte.
Alexeï Dmitriev connaît la loi de la cohérence sous la diversité pour
produire du sens. Il sait que les indices ne sont pas la copie du référent,
qu’ils ne s’épuisent pas dans leur matérialité mais que c’est la matérialité qui est le premier objet de la
perception avant le signifié de la lecture. Pour lire, il faut saisir que les éléments dépendent les uns les
autres pour former le tissu/texte.
L’incipit obéit à la trompette de la renommée des actualités cinématographiques, ce sonal de
l’aigle-logo tout aussi emblématique de la soi-disant héroïque action des guerriers ainsi annoncés. Le sujet
suit un schéma inébranlable : un lieu / un repérage / les alarmes / l’armement par des soldats / les
jeunes recrues aryennes / et les conséquences topiques / incendie / chars dans la campagne / signalisa-
tion sonore de l’avion à abattre/rafales des balles
La description prouve que l’armée allemande est victorieuse, elle précise des paysages vides en bord
d’eau conquis grâce à ses machines et à sa surveillance ; un soldat emploie les jumelles. Elle augure -
puisque participant à un film allemand - la victoire de cette armée, sa bravoure.
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