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                             Hélène AGOFROY

                                             A la Chapelle des Carmélites

                                                           Arrangements

                            Dans une construction de 27m², réalisée, en studio, sur les mesures d'une petite maison réel-
                 le, deux acteurs agissent selon les critères de six situations successives, introduites par une voix off qui
                 raconte, à chaque épisode, une scène historique.

                            Dans un premier temps, la caméra ne s’arrête sur rien de particulier alors que le champ est
                 occupé par le dos d’un acteur en un lent travelling arrière. Celui-ci peint un mur en jaune. Il ne finit pas la
                 peinture pour l’instant, il indique seulement une couleur, il engage l'histoire. Il est rejoint par une actrice
                 qui traverse le champ et coordonne son action avec lui pour la suite.

                            La voix off fait le récit des six scènes historiques sous la forme de didascalies, comme pour un
                 tournage ultérieur possible dans l’espace arrangé par les deux acteurs. La première évoque un pavillon
                 à proximité d'une usine au début du siècle dernier, la deuxième suggère sa transformation en un refuge
                 durant la guerre pour une famille juive, la troisième en une petite cantine d'usine, la quatrième en entre-
                 pôt et lieu improvisé de jeux d'enfants, la cinquième mentionne son déplacement et sa reconstruction, la
                 sixième sa situation actuelle dans un club de tennis. Chaque récit au temps présent, pas d'autre date que
                 celle du début mais des allusions datent le récit : le refuge d'une famille juive, la table en formica de la
                 cantine, le piquet de grève, le son réel extérieur du dernier plan le situe à l'heure actuelle. La voix off avan-
                 ce historiquement alors que les deux acteurs avancent dans le temps présent du tournage. Elle donne des
                 indications d’actions et de plans au-dessus de l'action réelle des acteurs. Dans la superposition des deux
                 temps désynchronisés, parfois des coïncidences entre le récit et l'action.

                            Les acteurs situent le jeu dramatique par la place qu’ils prennent dans l’aménagement de
                 décors successifs. Ils s’annoncent au début comme des accessoiristes, puis se retrouvent impliqués dans
                 la situation qu’ils construisent. Ils semblent au fil du déroulement connaître le scénario pour lequel ils
                 installent un décor. Ils s’entretiennent sur la véracité de l’histoire, arrangent l'espace, s'occupent à diver-
                 ses tâches, s’affalent sur un lit, s’attardent sur les images d'un film, jouent des accessoires puis construi-
                 sent une maquette et la photographient comme s’ils travaillaient à leur propre projet.

                            Le récit et les dialogues sont parcourus par un Elle à l’identité flottante laissée en suspens pour
                 le spectateur. On peut supposer selon les situations qu’il s’agit d'une femme, puis d'une autre, la mère ou
                 bien ce peut être la maison ou la maquette, ou bien l’actrice qui agit ou l'auteur. Elle, non clairement iden-
                 tifiée comme si on prenait un récit en cours en passant les présentations.
                 Un espace de fiction en train de se construire avec l'histoire. Un nouvel espace destiné à loger les actions
                 et le déroulement du récit. Le film n'est pas tourné dans l'espace réel ni dans une reconstitution mais une
                 reconstruction, forme générique de l'espace réel réalisée avec les matériaux d'un décor.
                 Le décor en studio est construit comme dans une grande maquette : la lumière est artificielle, plutôt que
                 des fenêtres, des ouvertures, une entrée sans porte, pas de plafond, les cloisons sonnent creux, les meu-
                 bles sont insuffisants, le décor n'est pas « fini », on voit la construction du dessus, on la démonte, on en
                 fait le tour.
                 La maison change d’échelles : maquette vue en plongée, construction vue du dessus dans le studio, selon
                 un plan dessiné ou un patron miniature que les acteurs construisent sur une table, puis cette miniature
                 située dans des paysages dans le monde. La maison réelle est visible sur la dernière image dans sa confi-
                 guration actuelle.
                 Cependant un objet est permanent dans les six situations : le tapis, accessoire transporté et métaphore
                 du jardin, il passe d'une scène à l'autre, déroulé au sol, tendu au mur, enroulé dans un coin, déroulé à
                 nouveau au sol pour recevoir la maquette et enfin situé « dehors », à l'extérieur de la construction.

                            Des fragments de films se glissent au cours du récit, non pas des insertions d'images dans le
                 corps du film mais des éléments présents au même titre que les meubles et accessoires. Une machine
                 située dans le décor les rend visibles.

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