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                     Traverse projette aux Abattoirs

                            Ainsi le didascalique annoncé se perdrait-il, s’il n’était déjà annulé dans la qualification d’im-
                 promptu. En effet, la didascalie est ce texte censé n’être pas prononcé par les personnages sur scène,
                 très loin de se limiter à la distinction en actes et scènes et à l’invitation à une mise en scène, elle archi-
                 tecture l’existence du théâtral or tout d’Icicle y renvoie au même délirant refus des codes… Et pas plus
                 que les êtres ne parlent, pas plus d’informations ne se transmettent hormis des souvenirs égrenés.

                           En preuve de cette dérive agissante, si les personnages ne parlent jamais en in, pas plus ils ne
                 sont dénommés avant le générique, ainsi l’homme aux longs cheveux, si blancs, décoiffés en forme
                 de pyramide s’appelle : Gunnar - vrai prénom des pays nordiques et la femme plus quotidienne reçoit pour
                 prénom: Carbone 14, appellation bien plus divergente quant aux usages onomastiques. Ce générique de
                 fin tient office de didascalie initiale d’une pièce de théâtre. Il explicite aussi les trois autres figures: l’oracle
                 - une vieille femme passant sans autre fonction apparente, souriante et peu vêtue, retient une sorte de cri-
                 noline en guise de jupe - Job au visage ravagé par la maladie, en tunique à mailles très ajourées, gravit un
                 monticule de débris de déconstruction - et le dictateur, une jeune femme au costume de soldat de plomb
                 se contente de descendre un escalier… autant d’étranges êtres du passage.

                            Par eux, se déclinent les divers domaines de sens, du biblique au scientifique; sans hiérarchisa-
                 tion, les diverses approches humaines du monde par le savoir, la foi, le désir du pouvoir, la fiction, se
                 mêlent dans cette invention d’un monde vidéographique.

                            Icicle crée son temps : celui de ce qui a lieu, là, celui à venir de l’oracle, celui de la mémoire des
                 choses par Carbone 14 et les souvenirs rapportés en off.

                            Pourtant- ce qui rejoint une autre lecture, celle par extension de « impromptu », quand il renvoie
                 à ce qui est à la portée de tout le monde, à ce qui tombe sous le sens - Icicle s’avance si étrangement qu’il
                 s’impose tel qu’il est, comme allant de soi, sans rien en changer…

                           Icicle comme désir et maîtrise de la différence généralisée autrement dit figure emblématique de
                 l’expérimental.

                            Grottesque et Heiner G. entered the house déclinent le même esprit de la lettre, le premier
                 dépasse la fonction de BO du Festival de film underground de Lausanne le LUFF en mixant jeu de mots
                 et jeu d’images, le double «t» reconnaissant la grotte où se déchaîne un bref concert de cymbales.
                 Le second se focalise, sur le Heiner éponyme, seul, dans le noir du sans décor, hormis la lumière type tor-
                 che qui le détaille et l’échelle de métal qu’il gravit avant de se jeter dans le noir; or l’homme est un man-
                 nequin de vitrine, son uniforme n’est pas particulièrement distinctif malgré ce que ses initiales rappellent
                 de funeste. Rien de plus ni de moins pour assurer le refus de donner une réponse mâchée au spectateur.

                                                                                  Simone Dompeyre

Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus                                                                                  35
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