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Traverse projette aux Abattoirs
Du défilement répétitif survient le déchirement ou plutôt l’usure, un chaos lumineux formant un entre-deux,
un espace-temps incertain où la pellicule se fait chair : la cérémonie peut commencer.
La Semaine Sainte à Grenade, ses cortèges, ses processions — les acteurs de ce rituel, auto-
mates dématérialisés par le ralenti jouent la passion et la mort. Emmanuel Piton enfonce le clou et cite
Shakespeare: « La vie n’est qu’une ombre qui marche. C’est une histoire, racontée par un idiot, pleine de
bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. » Tout est dit, le regard d’abord appuyé puis fuyant de la femme
nous le rappelle tout au long du film.
De Bruit et de Fureur — bruit des images – (recherche visuelle), notre fureur reste enfouie
devant le spectacle d’un rituel cyclique, scène d’une disparité inévitable : memento mori.
Franck H. Perrot
Collectif Incognito : Phuong Mai Nguyen, Claire
Sichez, Cécile Milazzo, The End, 2min
Réanimation
« Je pressens que l’ensemble de la production holly-
woodienne des quatre-vingts dernières années pourrait deve-
nir un simple matériau pour de futurs artistes cinéastes.»
Jonas Mekas, c’était en 1969.
Le found footage ou métrage trouvé en traduction lit-
térale englobe diverses manières d’appropriation de pellicu-
le tournée et montée dans des films, reprise comme matériau et non pas comme document, dans des
citations censées avérer un fait ou contredire une théorie, par exemple, ainsi que le documentaire le pra-
tique. Le footage, quant à lui, suit des projets aussi antagonistes que le démontage d’un genre ou
d’une idéologie, comme très tôt en 1924, Crossing the Great Sagrada d’Adrian Brunel attaque le colonia-
lisme, ou plus près en 1998, l’Œdipe mal assumé dans Alone, Life Wastes Andy Hardy de Martin Arnold et
inversement l’hommage enlevé d’une œuvre par Psycho de Gus van Sant en 1999…
Parfois la parodie guide l’emprunt, avec un malin plaisir dans la multiplication des clichés poussés à l’extrê-
me au grand bonheur de séances de cinéma de genre… dont les amateurs de films apocalyptiques.
The End affiche son dessein ; sans autre expansion que le nominal, La Fin ne peut être
qu’absolue, comme, verbalement, « je t’aime » est plus infini que « je t’aime infiniment ».
Ce court métrage, en une énergie contagieuse, se fonde sur un échantil de motifs du film d’hor-
reur et du film catastrophe voire du film politique avec mouvement populaire… foule courant, bateau s’a-
bîmant, corps au sol, visages hurlant après une ouverture sur des appels téléphoniques compris comme
des alarmes et le leitmotiv d’indication d’heure en pendule ou en montre ou avec d’autres outils tempo-
rels; la musique ténébreuse, tout aussi topique, adopte le crescendo…un prêtre aussi démuni qu’eux
prouve l’incapacité des hommes à se sauver.
Pourtant, le film déborde le ready-made, il ne se satisfait pas d’un montage de choses à inté-
grer, de plans attendus qui ne pourraient que satisfaire l’aficionado. Montage par ailleurs, sans faute,
sachant influer un tempo décrivant la peur, il l’aggrave par l’inclusion d’une personne à l’humanité concer-
née, le prêtre.
Il dessine sur les prises de vue analogiques, son animation. Il réanime - au sens littéral - le film
de genre. Il ôte l’envie de reconnaître l’origine ce qui participe au jeu de la réception de film. Même si le
chapeau hollywoodien et les vêtements du peuple assailli font signe, ce qui prime, c’est ce réveil en ani-
mation. C’est l’intelligence du dessin qui loin d’obéir aux critères de monstruosité, de déformation des visa-
ges, les crayonne, les surligne, les arrondit, les raie, ajoutant du mouvement au mouvement.
The End ne sonne pas la fin de l’animation mais au contraire sa vivacité en vivant le footage
comme lieu plastique… Simone Dompeyre
Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Processus 37