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Mariane MOULA et Carole THIBAUD
pellicule des formes comme des points qu’il anime. Sur une autre pellicule, du côté son, il dessine aussi
des formes. Il fait coïncider les images et les sons et copie ces deux bandes côte à côte sur une troisième
pellicule cinématographique pour diffusion. On voit des sons et des images qui s’animent.
McLaren soutient une conception artisanale du cinéma d’animation, selon laquelle le cinéaste, un peu à la
manière du peintre dans son atelier, contrôle toutes les étapes de la réalisation de son film. Il encourage
ses collègues à développer leurs propres outils et à innover sur le plan technique. L’imposante filmogra-
phie de McLaren se distingue par le recours à diverses techniques : papier découpé, dessin au pastel
animé par transformations successives, animation image par image et surimpressions d’images obtenues
à l’aide d’une tireuse optique (Pas de deux, 1968). Le cinéma d’animation acquérait ses lettres de nobles-
se sur le plan de la recherche expérimentale.
C’est dans cette tradition que la performance cinéma des artistes Carole Thibaud et Mariane Moula prend
tout son sens. D’ailleurs, les artistes décrivent ainsi leur travail :
« Dans le projecteur numéro un, passe une longue boucle (environ sept mètres) de film noir, du
film positif couleur exposé et développé. Cette boucle intacte au début est trouée par la machine à coudre
au fur et à mesure de la performance.
Dans le projecteur numéro deux, une petite boucle d’un mètre de film noir avec seulement un trou du côté
image de la pellicule et un autre du côté son. Cette boucle tourne en continu tout le temps de la performance.
Dans les projecteurs numéro trois et quatre, déroulent deux bobines d’environ deux cents mètres
chacune : ce sont des films travaillés préalablement en laboratoire².»
En chambre noire, elles trouent le négatif noir et blanc ou couleur, elles cousent certaines par-
ties, exposent partiellement les pellicules à la lumière, puis les développent. Quand leurs explorations sem-
blent être au point, à l’exemple de Norman McLaren, elles copient les négatifs sur du positif à l’aide d’une
tireuse optique. Pour la couleur, elles utilisent des filtres colorés, ce qui leur permet d’obtenir différentes
teintes. Elles travaillent aussi le rythme en essayant différents écarts de points de la machine à coudre.
La performance cinéma devient un ballet vivant de formes qui éclatent. Le fait de coudre à la
machine en chambre noire permet d’obtenir des halos de lumière produits par le contour des trous. Carole
Thibaud confie qu’elles n’avaient pas anticipé cet effet surprenant. Les halos sont créés par la chaleur
résultante de la transformation d’une partie de l’énergie cinétique de l’aiguille en mouvement et par la pres-
sion brusque de l’aiguille qui perce le film.
Caroline Thibaud et Mariane Moula refusent la mort de la pellicule argentique, elles militent pour
la sauvegarde de ce médium. Ces jeunes femmes défendent une conception artisanale et expérimentale
de l’utilisation de la pellicule 16mm. Elles sont déterminées et souhaitent innover dans leur pratique. Elles
méritent notre attention. Elles déclarent que si le film analogique est en perte de vitesse, il y a des gens
passionnés qui travaillent activement à la fabrication d’émulsion pour faire de la pellicule et que les résul-
tats sont prometteurs.
La performance cinéma (...), se découvre dans le temps. L’œuvre dessine une constellation
sonore et visuelle de points et de surfaces projetées sur l’écran qui révèlent la richesse de grains et de tex-
tures au dynamisme étonnant.
Danielle Raymond
1 http://marianemoula.wix.com/marianemoula#!untitled/c121f. Consulté le 8 avril 2014.
² Échange de courriels avec Carole Thibaud suite à la performance aux Musée des Abattoirs à Toulouse en mars
dernier.
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