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                                Fred PERIE

                                                         A l’ESAV

                                                            Néguentropie

                            A l'écran : un texte dont la disposition sur la page se brouille constamment, le rendant illisible et
                 mouvant. Seul le regard des spectateurs en permet la lente recomposition jusqu'à ce qu'il devienne à nou-
                 veau lisible.

                            Néguentropie a été programmée lors des Rencontres Traverse Vidéo dans une nouvelle
                 version développée à cette occasion pour les salles de cinéma. Dans la salle, une caméra est poin-
                 tée vers le public. Le film est interactif, il mêle l'image ainsi captée et l'image des lettres, animée en
                 direct en fonction du visage des spectateurs.

                            Pour mémoire, l'entropie, du grec entropê, action de se transformer, est une notion des scien-
                 ces physiques née avec les machines au XIXème siècle. Elle représente le désordre de la matière. La phy-
                 sique classique considère que pour un univers isolé, le désordre ne peut que croître. Le concept inverse de
                 « néguentropie» est apparu plus récemment pour désigner l'ordre qui se crée dans les systèmes vivants,
                 il a ensuite rejoint la notion plus générale d'information, au XXème avec l'informatique.

                            Le texte révélé par le processus du film parle de ce qui nous lie, c'est-à-dire une certaine com-
                 préhension commune, et le désir de la partager, au travers du langage, par la littérature : « Ce qui nous lit »
                 comme l'a dit joliment Simone Dompeyre lors de la projection. Bien entendu, il ne s'agit pas de sacraliser
                 le Texte, qui viendrait se substituer au processus toujours renouvelé du lien : quand elle cherche à établir
                 un sens définitif, la littérature est vaine.

                            Au travers de la musique, quelque chose nous lie aussi, que nous pouvons entendre, mais qui
                 échappe à notre entendement, quelque chose qui plutôt nous re-lie, parce qu'elle répare ce qui souffre.
                 J'ai ainsi proposé au compositeur Thomas Charmetant de partir de l'idée d'un chœur de lamentations dis-
                 cordantes qui feraient face au chaos, et qui, avec le temps, tendraient spontanément vers une harmonie.
                 Comme les pleureuses de l'antiquité, le violoncelle de Thomas fait musique plus qu'il n'éclate (en sanglots
                 désespérés), il suggère un monde qui s'ouvre au tragique mais reste sous la menace sourde de la violen-
                 ce délibérée. Lorsque le texte est enfin révélé et commence à disparaître, la crise, jusqu'ici sous-jacen-
                 te, finit par émerger sous la forme de coups d'archets puissants et percutants.

Performances - Processus                                                                                                           91
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