Page 119 - catalogue_2015
P. 119

Allison MOORE

                            The Enchanted Woods

            Contes et légendes dans le bois d’Allison.
                          Il était une fois une forêt majestueuse, aux fleurs inconnues, aux fougères mouvantes, aux champi-

            gnons soyeux et à l’ananas pendant du chêne.
                          Il était une fois un royaume sans dieu ni maître et peuplé de très diverses créatures qui ne s’embar-

            rassent pas de cette proximité car elles vaquent en parallèle. Un lieu fait de strates aux origines fort éloignées,
            car cet ailleurs et ses créatures viennent des récits ancestraux, des légendes censées rappeler l’existence d’êtres
            difformes et doués de pouvoirs surhumains, mais aussi des contes pour enfants- le petit chaperon rouge et adultes
            – Chaucer, des histoires de son pays ou d’autres Amériques – Bolivie / Brésil et de la vieille Europe; il puise aussi à
            la littérature pour enfants - Enid Blyton voire au théâtre shakespearien… mais Allison les invite à s’immerger dans
            la luxuriance de cette forêt tropicale de Saturna Island, l’une de l’archipel du golfe entre Vancouver et l’île de Van-
            couver, dans le Pacifique.

                          La précision de troncs noués, les fûts élevés, sur lesquels la lumière joue des nuances, la verdure des
            feuilles, des fougères et des mousses, la blancheur de champignons ou l’ocre de certains de leur chapeau dessinent
            une forêt typique, profonde et superbe, celle de l’enfance de la canadienne Allison Moore. En sont exclues cabanes
            et autre habitat puisque tout se concentre sur l’arbre roi, maison des enfants, lieu du trésor enfoui.

                          Cependant des fleurs que l’on n’y attendrait pas comme des liliacées aux longs pistils, ou qui éclosent
            dans un tempo fort différent du naturel, et la disproportion des éléments de cette flore concourent, avant même
            qu’entre en jeu- formule à lire au sens premier - la faune, à l’invention du lieu.

                          La centralité distingue plus encore, le statut de l’immense arbre dont le tronc aux dimensions énormes
            reçoit, comme les branches épaisses en chandelier, les nuances de lumière; cet emplacement marqué surenchérit
            ce passage du réel à un ailleurs merveilleux. Les bruits de la forêt entourent celui qui pénètre dans le triptyque
            immersif, projeté sur les murs et il se fait attentif aux changements, bris de brindilles ou bien plus forts… il saisit la
            coccinelle aussi grosse que la tête du bolet, ce qui ne la rend pas moins charmante avec ses points noirs distingués,
            il saisit cette étrange figure simiesque à double bouche dont la seconde sur le ventre, il entend la musique gipsy et
            en suit la fanfare joyeuse. Il attend, dès lors, chaque nouvel arrivant, animal ou humain ou figures de la fantasy, et
            du conte, du folklore ou de la littérature.

                          L’installation adopte le titre The Enchanted Woods, à une série de trois aventures écrites par d’Enid
            Blyton, où quelques enfants accèdent à d’autres mondes par une échelle au sommet d’un arbre magique. L’installa-
            tion ancre, de même, son monde dans un tel gros arbre régnant en son centre. Revient-elle à cette quête d’un refuge
            contre le monde sans chaleur, répond-elle à la nostalgie d’une Arcadie perdue, qui serait à la fois l’enfance ou les
            pays préindustriels; l’atmosphère de cet univers immersif n’est pas vraiment à la tristesse ni au regret alors que le
            domaine du conte interpénètre celui de la légende, tous deux en envolées vers l’excès.

                          On se souvient de leurs différences. L’incipit du conte signale que la logique n’est pas celle du quoti-
            dien, mais que le merveilleux est son registre, agglutinant l’impossible au réel sans lui porter atteinte. La fée peut
            transformer la citrouille en carrosse mais il faut à celui-là autant de cochers et employés qu’à celui d’un prince.
            Cependant, en sous-bassement, mœurs et coutumes s’y transmettent; la morale du groupe s’y immisce. On apprend
            aux filles à obéir et aux garçons à être vaillants, on apprend aux filles à se méfier des loups et aux garçons à ruser.

                   ESPACE CROIX-BARAGNON / L’ ENVOL DE CRANSAC

118 I N S T A L L A T I O N S

Maquette V3 2015.indd 120                        21/06/2015 19:49:09
   114   115   116   117   118   119   120   121   122   123   124