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Allison MOORE
Leurs caractéristiques physiques reflètent celles des humains multipliées. Grossies, renversées, le
petit chaperon rouge chantonne, virevolte, boit et vole, très loin du modèle de la petite fille allant voir sa mère-grand
; échevelée, jupe très courte, elle ne redoute plus le loup…Si la sorcière des contes grimace en vieille dame, laide,
affairée à la préparation de poison, devant un chaudron et un feu toujours allumé, écho minime de l’enfer; dans la
forêt d’Allison, elles sont trois comme celles qui rencontrent Macbeth, dans la pièce éponyme de Shakespeare, à
son retour victorieux de la guerre que se sont livré la Norvège et l’Écosse.
Dans Les Bois Enchantés, l’ambiance provoquée par le trio s’éloigne fort de telles circonstances et de
la conséquence de tels présages. Le groupe des femmes désordonné, s’avère aussi paillard qu’un autre groupe
venu lui - aussi des textes anglais comme les ivrognes découvrant le trésor, The Pardoners Tale, des Contes de
Canterbury de Chaucer. La sorcière, pôle noir de la fée, garde des secrets de vie et de mort, elle connaît le diable ou
dans les contes de fées, attire les petits enfants pour les croquer. Et qu’elle fut le prétexte à sacrifier les femmes et le
pouvoir qu’elle aurait pu prendre, ne se retient pas ici. Encapuchonnées avec leur canne et le sac pour les potions,
elles restent en joie, gesticulant et la jolie fée, bien plus petite, survient dans un halo de lumière sans confrontation.
Une autre femme qui devrait être inquiétante, plus proche des origines, la femme sauvage de l’Ouest,
obéit à l’iconographie des dits primitifs, seins nus, cheveux en bataille, jupe de fourrure, mais elle aussi va et vient
sans menace pour qui que ce soit; elle est rejointe dans la catégorie sauvage, par Mapinguari Jurupury, originaire
d’autres forêts, celles de l’Amazonie, aux tropiques brésilien et bolivien; lui a l’apparence d’un singe à fourrure rouge
et son nom se traduit comme « le rugissement animal » ou comme « la bête fétide ». La créature souvent décrite
comme un géant paresseux, en garde les longs bras et les puissantes griffes qui pourraient déchirer des palmiers,
et un dos incliné pouvant atteindre plus de deux mètres, en se tenant sur ses jambes de derrière. Elle partage de
telles caractéristiques avec d’autres êtres surnaturels de la mythologie brésilienne, et même si elle arbore un seul
œil, de longues griffes, la peau de crocodile, des pieds arrière et une deuxième bouche sur son ventre, elle n’use ses
membres que pour faire des cercles, du mouvement.
Un autre spécimen de la mythologie brésilienne, l’homme sauvage batifolant, Curipura, regroupe ce-
pendant plusieurs traits des contes d’Afrique de l’Ouest et de l’Europe et est aussi considéré comme une figure
démoniaque. Son nom correspond à son corps recouvert de cloques. Cheveux rouge orangé, il ressemble à un
homme ou à un nain dont les pieds sont tournés à l’envers, devant derrière, afin de laisser des traces qui ramènent
au point de départ et perturbent chasseurs et voyageurs. Curupira vit dans les forêts du Brésil, où il crée des illusions
et produit un son aigu semblable à celui d’un sifflet, capable de provoquer la peur et de rendre folles ses victimes. Il
attaque les braconniers et les chasseurs qui prennent plus de gibier qu’ils n’en ont besoin, ainsi que ceux qui s’en
prennent aux animaux prenant soin de leur progéniture. Ici pas de redresseur de tort.
De tels ancêtres revus et corrigés sont rejoints par l’homme de la forêt, que Rick Steber, décrivit dans
ses Histoires de Pionniers : chasseur, trappeur, il rappelle combien le pionnier était toujours en quête de, solitaire,
vêtu de cuir, de chemise à carreaux, chaussant de grandes bottes et un chapeau; ici il scie des arbres, s’enfonce
dans les branchages, agit en simple bûcheron.
Hors de l’histoire et des grands textes, parmi ceux qui en sont issus mais sans plus les voir qu’eux ne
les aperçoivent, des enfants piquent-niquent, nés sous la plume de la prolixe Enid Blyton et de ses romans à succès.
Jo, Bessie et Fanny découvrent les Bois Enchantés près de chez eux dont le plus grand arbre tient lieu de maison à
des êtres magiques avec lesquels ils se font de nouveaux amis : Face de Lune, Silky la Fée, l’homme – casserole,
Pixie la coléreuse, Monsieur Watsizname, et Madame Washalot. Ensemble, ils grimpent très haut dans l’arbre pour
ne plus jamais descendre, ils visitent cet endroit étrange et y vivent des aventures excitantes.
L’instance du jeu, du bonheur réside dans ces histoires à se raconter avec le juste frisson et l’invention
d’un autre monde qui garde suffisamment d’indices du réel pour alimenter le « comme si ».
ESPACE CROIX-BARAGNON / L’ENVOL DE CRANSAC
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