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Allison MOORE

  Le conte fantastique fonde l’inquiétante étrangeté, par l’irruption de l’irrationnel dans le réel, ce conte-ci fait peur,
il dévoile le côté obscur de l’humain quand le merveilleux en recherche la profondeur et les capacités heureuses.

              Quant à la légende, elle rattache son scénario, ses actions, à des lieux et à des faits historiques connus,
dans l’amplification, l’embellissement. Ainsi Charlemagne devint-il l’empereur à la barbe fleurie. Tel animal gigan-
tesque devient le yéti ou le Bigfoot. La légende explicative des inattendus du groupe social se nourrit de la spécificité
de ce groupe qui l’a fait naître.

              Le bois a été dans l’ancienne Europe, le lieu des dangers mais aussi des ressources, il occupait la
grande surface du pays, on y chassait et braconnait, on y faisait le charbon de bois et on y laissait les cochons se
nourrir des glands, on y trouvait de quoi vivre et préparer les décoctions mais aussi des truands, des coupe-gorge…
la forêt canadienne s’étend encore en une bande de plus de 1 000 km de large entre la toundra gelée de l’Arctique,
au nord, et les forêts plus tempérées et les prairies, au sud et les forêts boréales canadiennes sont habitées par
l’homme qui les a aménagées très tôt dans l’histoire du pays.

              Ainsi n’est-il pas surprenant que ce soit cette immense contrée boisée qui accueille cette diversité
d’êtres. Allison ne se préoccupe pas de ce qui les a fait naître, elle les rassemble dans son bois. Elle le fait dans un
joyeux bazar, où se succèdent apparitions et disparitions. Elle y saupoudre une composante plus moderne la domes-
tic fantasy qui protège l’univers quotidien de l’enfant mais, elle-même ayant grandi, les relie aux batifolages adultes.

              Dans sa reprise des figures de ces étranges, Allison ne fait pas œuvre d’ethnologue, elle se plaît aux
traces de l’enfance, enfance du monde, enfance de l’homme, enfance du groupe social.

                                                                                                        Photo : Beatriz MATIAS

              On s’immerge à sa suite dans cet étrange enchanteur, du type « même pas peur »; mais on peut vouloir
y entendre ou réentendre des histoires dites en images animées. Des histoires qui ont effrayé agréablement notre
enfance, et qui nous en apprennent, plus tard sur ce qui fascine les hommes. Fée et sorcière, géant et nain, homme
velu ou chevelu, enfant intrépide et adultes en ébriété, la limite de l’humain est approchée. En eux, se suit l’image de
l’évolution de l’homme avec des exemplaires d’hominidés ou la preuve de ses défauts par la chute dans l’interdit. Ils
cristallisent les peurs de l’inconnu des premiers colons de la conquête de l’Ouest pour le Sasquatch, « géant velu»
au Canada ou Bigfoot « grand pied » aux États-Unis, qui hanterait les montagnes et les régions très boisées…ses
traces gigantesques attirent et inquiètent simultanément.

                           ESPACE CROIX-BARAGNON / L’ ENVOL DE CRANSAC                                                          119
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