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Baptist PENETTICOBRA

  La sensation d’être à l’intérieur d’un réel avec un poids de fiction et dès lors d’appartenir à l’image elle-même a
induit ce film.

              Une maison américaine où la famille prépare Thanksgiving, chacun de ses membres y est retenu dans
ce qui semble sa vie quotidienne; les plans alternent des entrevues avec eux en plans fixes du lieu ( il s’agit du décor
imitant la maison dans laquelle a séjourné l’artiste ), le compteur de la caméra tourne, dans cette atmosphère de
«télé-réalité» avec le décalage persistant quand l’on joue à être naturel. Une jeune femme danse sur du Beyonce, le
père de famille préoccupé par les murs en carton de sa maison, la mère patriote, le teenager capté par les jeux-vi-
déos, la petite fille et son hamster, et des drapeaux partout, l’Amérique.

              Entertainment capital of the world, titre avec humour la forme du triptyque, format qui inventé en son
origine pour le sacré, la vénération mais l’objet du sacré, l’idole n’y est autre que cette pratique de l’Entertainment
dans un culte paradoxal puisque les humains copient ses règles, répètent ses mots – la mère parle avec les phrases
du discours d’Obama, lui-même composé selon le storytelling : cette technique que les communiquants et conseil-
lers en communication ont rendue indispensable dans les discours publics, emprunte au récit et à la fiction, pour
émouvoir et conduire les auditeurs à adhérer aux idées ainsi liées à des actions reconnaissables. Le réel perd alors
de son acuité par la copie conforme avec les figures audiovisuelles, alors que de très nombreux discours politiques
suivent ce genre.

              Baptist réussit à nous rappeler avec un second degré maîtrisé, cette réalité de l’imprégnation de la
fiction, son pouvoir d’influence, ce qu’il a appréhendé personnellement. Cette réflexion sur l’insinuation de la fiction
dans la réalité nourrit le film, sa structure et son dispositif, tout en inquiétant sur la marge qu’il reste à/de la vie réelle
tant elle est phagocytée par les modèles de la fiction.

                                                                             Julien LAGORCE

Photo : Beatriz MATIAS

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