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Natalie PLASKURA
Intrusion provoque la fascination déclinée par Faint, elle le fait différemment, en retenant le motif de la boîte à
musique. Initialement, dans son format habituel avec sa poupée- celle-ci dérogeant à l’habillement du jouet pour
enfant puisque sa crinoline découvre ses jambes nues - puis en grande taille, et la première figure porte le même
vêtement. Les boîtes sans couvercle, tournent sur des fonds sombres, alternant avec des tableaux ovales habités
d’animaux ou de femmes vivantes.
En son début, un papier peint rose thé et petits bouquets, devient le fonds d’apparition d’une jeune
femme aux vêtements hétéroclites : mignon petit chapeau sage et boléro désuets mais décolleté plongeant et ta-
touage. Plus tard, les murs s’avèrent ornés de groins roses dans des cadres ovales, mais déjà le contre-champ se
focalise sur un escargot qui quitte le cadre. Ce faisant, il devance ainsi le passage à l’animé d’un chien à collerette,
d’une jeune femme à calot militaire, d’une d’abord de profil vêtu de blanc ; il devance d’étranges scènes fixes de
femmes en perruque élevée avec gros camée, de femme avec collerette élisabéthaine sous un double cerceau de
saucissons, de femme rejointe par un chien d’un tableau et porteuse d’une cage avec seiche…
Ainsi les humains y agissent-ils mais fort loin de la quotidienneté, et lorsque leur comportement
concerne le vécu comme la nourriture, il diffère des manières polies et de bon goût. Ce que dévore goulûment cet
homme au sourire oblique et lui-même gras, est un étrange amalgame ficelé, gras, dont le jus coule sur les mains.
Hormis ce dévorateur répugnant, le plus souvent, les figures adoptent la posture de mannequins de boîtes à mu-
sique, dont le processus est exhibé. Elles restent immobiles, elles ne tournent pas sur elles comme la petite ballerine
en tutu rose canonique, mais emportées par le support. Celui-ci est actionné par un marin type Jean Paul Gaultier,
arborant le tatouage d’une des femmes-poupées, la pin-up années 50. Le montage le décrit tournant, imperturbable,
la manivelle ou bien il privilégie l’appareil qui ainsi tourne de lui-même autonome. Les occurrences se succèdent,
plancher nu ou couvert : un socle tourne avec une femme vêtue - dévêtue puisque sa crinoline sans tissu découvre
ses jambes d’une longue robe noire tenant un corbeau; sur un autre, la femme est accompagnée d’une poupée
squelette habillée en marin; un avec la pin-up au regard et guêpière aguicheurs entourée de gros ratons laveurs
taxidermisés, l’un avec une femme aux formes opulentes, à la Rubens, qui reçoit une petite pluie de pétales, un
autre encore avec une femme porteuse dans ses cheveux-branches de hiboux et est posée sur une autre femme
enveloppée de tulle blanc ou d’une autre sexy avec un coq sur un monticule planté de choux, une porte un cancrelat
énorme… le dernier en miniature débute avec le générique, un squelette de petit oiseau au bec pointu, dont l’ombre
se projette près d’un sablier.
Des bribes d’histoire tournent autour du désir; le regard dardé de la pin-up appelle le hors champ, où
l’homme en costume sans veste, avance au ralenti, avec une moue de convoitise; le montage alterné trompe cepen-
dant puisque l’homme désormais à son tour sur le socle meublé avec une commode et envahi de bouteilles vides,
tient sur ses genoux une autre jeune femme en tenue militaire…
Rien n’advient qui soit attendu: cependant la ficelle s’entourant autour d’un cordon plus épais, des
sabliers en divers moments y compris lors du générique de fin, les squelettes divers voire les mouches qui bruissent
ou entourent telle image féminine connotent la nature morte. Nature morte revue et corrigée puisqu’ elle mêle au
vanitas vanitatis, vanité des vanités, rappel de la finitude, de la mortalité de l’homme, le tableau de gourmandise du
carpe diem, du profiter de la vie y compris dans l’excès, le baroque loin de la ligne claire.
Simone DOMPEYRE
GOETHE INSTITUT 129
INSTALLATIONS
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