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Sandrine RODRIGUÈS

                           Peinture impressionniste, silo à contempler, 2014

                                                                                       Photo : Roberto ALVAREZ

              Une énorme meule de foin, un volume géométrique comme support de la projection d’un coin de près
après la moisson de bottes de pailles près d’un silo, en boucle… La lumière de la journée d’été filmée se dilue dans
les variations du jaune de la paille réelle dont la texture altère l’image - vidéo s’apparentant à une touche picturale
marquée. Artefact sur ready made d’un genre particulier puisqu’il garde sa trace de la nature dans un endroit urbain
fort éloigné de leur origine d’autant qu’au cours de Traverse Vidéo, les brins de paille parsemèrent le sol. La couleur
s’approfondit alors que le soir se glisse par la haute verrière de cette cour intérieure. La gageure de l’installation de
Sandrine Rodriguès est immense.

              La boucle entraîne des variations filmées qui entraîne la mémoire visuelle vers des œuvres d’un autre
médium, la peinture et très précisément vers les Meules de Monet *, avec prédilection sur celles peintes au soleil.
La série conduit à partager cette fascination du regard obsédé par la lumière sur un thème - objet que le travail
pictural fait disparaître en touches de plus en plus déréalisantes. La série détache le référent pour l’acte de la vision.
L’installation transforme l’espace en lieu de vision selon le projet même. Peinture impressionniste, silo à contempler,
2014. Elle atteste de cette désormais intermédialité peinture / art en mouvement / installation vidéo, loin de stériles
annonces de la mort d’un art parce que d’autres seraient les bienvenus des critiques.
Hommage me direz-vous.

                                                                             Simone DOMPEYRE

* A partir des années 1890, Monet travaille, tour à tour, sur des meules, des peupliers ou la cathédrale de Rouen, voire la Tamise
à Londres et son jardin à la fin de sa vie. Il s’engage dans la peinture des variations de forme et de couleur provoquées par les
changements atmosphériques et lumineux. Or, peu à peu ces changements en eux-mêmes et leur approche en langage pictural
s’avèrent plus nécessaires que le sujet référent. À partir de 1900, sa peinture véritablement sérielle intègre la multiplication comme
un élément significatif; Monet n’est pas un théoricien, c’est dans l’action qu’il forge peu à peu cette nouvelle pratique. Il peint
beaucoup. Il peint toute la journée. Chaque essai devient une toile. Et de cette répétition intensive des mêmes motifs survient
une dynamique transformatrice de la notion même de peinture figurative, car la répétition tend à une déréalisation progressive
du sujet tant il est absorbé par le tableau en tant que chose peinte, alors l’œuvre ne se pense plus comme réunion de tableaux
isolés, mais elle prend son sens en tant qu’ensemble constitué par la série dont chaque tableau n’est qu’un fragment / moment.

                              PRÉP ‘ ART SUD                                                                                            133
                           INSTALLATIONS

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