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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
Baptiste SAINT-DIZIER, Vertigo Musée, 6min 12, FR
Dans l’église du Musée des arts et métiers, un homme
surmonte sa peur du vide pour atteindre le dernier étage d’une grande
plateforme d’exposition. Son ascension lui révèle peu à peu une autre
forme de vertige.
Vertigo Musée, mon premier court métrage, naît d’une com-
mande documentaire : faire le portrait d’un musée scientifique parisien,
celui des Arts et Métiers. Je suis libre d’orienter mon regard comme je le
souhaite, je décide de le porter sur l’église Saint-Martin des Champs, dernier espace d’exposition avant la sortie.
Comme de nombreux visiteurs, je suis saisi par la vertigineuse structure de métal et de verre qui surplombe le pen-
dule de Foucault, qui fait prendre une hauteur inhabituelle dans un tel lieu : l’église se fait musée, le musée se fait
église. Ce sentiment d’élévation, je n’y avais encore jamais goûté, ni dans une église, ni dans un musée. Je l’idéa-
lisais, je le cherchais à tout prix, il m’était refusé. Mon film se ferait donc le témoin de cette expérience. Un « je » se
mettait en place : j’y ai investi mon corps, mon ascension, mon regard, mes mots. Je lui ai finalement refusé ma voix,
j’ai confié mes mots à un acteur plus âgé, dont l’accent norvégien donne au film un souffle étrange, fragile, saccadé.
Il s’est heurté au texte comme je m’étais moi-même heurté à la hauteur de la plateforme et à ma peur du vide.
« Sens du lieu, lieu du sens »... Le mot d’ordre de cette nouvelle édition de Traverse Vidéo m’a renvoyé
à ce premier film que je voulais autant porté par le « sens de la visite », cette verticalité inattendue et intimidante, que
par le désir de « faire sens », de trouver dans un lieu ce qui résonne avec soi.
David Anthony SANT, Flipside, 3min 52, AUS
L’incipit lance un regard vers l’extérieur à travers des baies
vitrées intérieures depuis lesquelles il capte l’éblouissement du soleil sur la
façade de l’immeuble en face, cependant le vent venu de nulle part, prêt au
crescendo, déjà s’y insinue. Cette tornade sonore coud des plans des lieux
du monde souvent marqués par le passage des hommes sans les y inclure.
Ne seraient le leitmotiv des oiseaux - les seuls à bénéficier du mouvement
et du champ sans coupure ni saccades - sur le ciel unanimement bleu, et
celui des fleurs, cependant, en plans plus entrecoupés, le bilan critique du
monde pèserait en pessimisme.
Flipside déconstruit le paysage urbain, selon un montage rythmique et métrique. Loin d’un projet narra-
tif, il se structure en mesures musicales, répétitives. Le staccato détache ses notes - images privilégiant cependant
des motifs et particulièrement celui de la grille interdisant le passage : barrières de métal, garde-fou, grillage…
Sans parole, il provoque une image du monde; s’y précipitent des composants marqués : sols abîmés, macadam
dévasté, immeubles géométriques, appartements ou bureaux, tags de taille variables, bribes d’inscription en mots
interrompus peints sur les murs ADM ou phrase inachevée sur affichettes « Web do », sans motivation explicite, vé-
gétation rare et sèche mais aussi meubles abandonnés, décombres au sol, détritus parmi les herbes. Leur passage
est rapide, réitéré mais plus encore, le plan reste rarement indemne, des traits le lacèrent, des superpositions en re-
prennent des bandes, en répètent des zones verticales voire en changent l’échelle. L’orientation subit des inversions;
haut / bas /droite / gauche se croisent sans respecter les positions premières des référents.
Le sensoriel ainsi aiguisé, se prend pourtant à espérer le retour des fleurs en rose, en jaune, en feuilles
vertes qui résistent à la dominante de désolation, et rejoignent le leitmotiv des oiseaux. Flip side / Le côté opposé,
ce pourrait être aussi ces vifs colorés. Simone DOMPEYRE
Mohamed TAYEB BAYRI, Programa de investigación 3, 12min 11, MAR
Programa de investigación est une espèce de programme télévisuel d’un genre très particulier. S’y
interrogent un homme et une femme de synthèse sur les fantômes, les ovnis, les phénomènes magnétiques, les
phénomènes optiques, tout ce dont on parle et qui nous parle mais dont la réalité est constamment mise en doute.
Le Programa de investigación rassemble un tel programme télévisuel et son studio de tournage. Les protagonistes
en ont bien conscience, si bien que parfois, leurs interrogations se portent sur le lieu du tournage.
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