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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS

                          Kai MIEDENDORP, Nachtigall singt, 3min, ALL

                                                  L’étrange dans le lieu familier. Le décalé par la distinction du noir et blanc
                                    connoté de dramatique avec la scène familière d’une fête le soir. Le chant du rossignol
                                    évoque d’autres récits et d’autres amours, alors que le flirt et la fête commune ouvri-
                                    raient d’autres tonalités sonores. Cependant en cette nuit de rencontres autour d’une
                                    piscine privée, les invités en costume se croisent. Est-ce un souvenir réactualisé pour
                                    du théâtre hors de ses murs canoniques ? Qui sont les participants et les non-partici-
pants de cette scène ? Le film négocie des traverses entre l’imagination et le lecture explicative, entre l’interprétation et la
distorsion des images de l’autre. Le seul point stable s’avère la chanson du rossignol, un mouvement de réflexion répétée
y est libéré.

                                     Muriel MONTINI, Ceux de la côte, 20min, FR

                                     L’amour des corps, l’amour du cinéma.

                                                   Cela pourrait être un film de vacances ou de ces captations d’ex-
                                     ploits, de prise de risques que le copain prend lors d’une après-midi de vacances.
                                     Le lieu y répond hors des espaces policés, sans autre mobilier urbain qu’une
                                     barrière basse s’arrêtant soudain, des rochers escarpés au-dessus de la mer si
                                     bleue. Des adolescents, des jeunes hommes en maillot de bain, bermuda ou short
                                     coloré, à motifs, profitent de ce soleil éblouissant.

                                                   Pourtant Ceux de la côte devient hymne au beau corps, au cinéma
                                     différent au plaisir d’être corps et d’être film en se glissant dans la filiation de Pa-
                                     solini dont il emprunte des fragments de dialogue d’Accatone, son premier film de
1961. S’y reconnaissent les paroles de la rencontre de Vittorio, proxénète - surnommé Accatone / le mendiant - avec
Stella à laquelle il dit combien elle est naïve et, près de la fin, la mort du petit malfrat et la demande au fossoyeur
de creuser une tombe plus orientée au soleil. Quant à La Passion selon Saint Matthieu de Bach, elle y continue le
contre-point qui surprit lors du film originel, puisque Pasolini la liait aux faubourgs, aux délits et aux accents popu-
laires de ces jeunes hommes, Les Ragazzi que ses romans avaient aimés.
Dans Accattone, de lents mouvements de caméra ou de nombreux travellings - trop nombreux selon Fellini - dé-
couvrent ces quartiers alors que le chœur 78 de La Passion et l’andante du Deuxième Concerto Brandebourgeois
emportent, exaltent loin du sordide. Ceux de la côte sont certes des Ragazzi mais ils ne prouvent pas de semblables
occupations, ils sont dans la vacance… l’un osant le saut depuis l’escarpement, s’agrippe pour tel un Sisyphe heu-
reux retrouver le lieu de son élan, les autres regardant ou pas, l’un tendant une fois sa main pour aider à remonter.
L’indéfinition éloigne de tout approche sociologique et l’italien entendu s’avère musique même si on ne peut échap-
per à tel sens ou tel autre comme le « Che è successo / qu’est-il arrivé ? » répété.
              Ceux de la côte décompose le mouvement, non pour en étudier la composition, ce n’est pas la succes-
sion d’un Marey, cherchant à comprendre le fonctionnement de la mobilité et non à inventer le cinéma. La mouette
traversant l’espace est, comme lui en lamelles rassemblées; planer réclame l’imperceptible mouvement. La dé-
composition remontée à la fois en un plan suivi, feuillette le mouvement et en garde chaque pelure pour son image
du / en mouvement. L’interstice entre dans l’élan mais aussi donne plus de poids aux rochers. Il saisit la gestuelle
comme depuis son intériorité; la nervosité du corps, le désir sont images mais aussi la nonchalance et le bleu actif
de la mer avec les sonorités de son ressac. La marine réitérée refuse la nature morte, le cinéma est mouvement.
L’œil - caméra frémit avec elle. Parfois le flou calme la rapidité montée ou inversement un filage s’associe au saut
du garçon. Il n’est pas un personnage qui attirerait la projection mais trace cinématographique ainsi, avant qu’un
fondu éloigne de ce lieu pour dénommer la réalisatrice Muriel Montini, comme pour protéger de l’attirance du corps
référent, le négatif le teinte en noir et blanc, contour marqué comme le sont aussi les rochers.

                          Ce que dit l’artiste :  Simone DOMPEYRE

L’idée du film était de retenir la première scène d’Accatone - celle où Accatone plonge du pont...quand ils plongent de la

côte - et de rester uniquement sur elle pendant que le son défile jusqu’à sa mort.

Un temps arrêté. Comme s’il n’y avait plus que cela à faire désormais - avant les ragazzi s’amusaient quand même-

bloqués sur cette falaise. Le son du film devenant le son rêvé ou ce qu’ils auraient pu vivre.

36 C I N É M A E X P É R I M E N T A L - A R T V I D É O - M O N O B A N D E S

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