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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
C’est ainsi que nous sommes et que nous serons toujours, modelés depuis le lieu de notre gestation à celui de
notre mort, et que nous modelons, en un aller et retour qui ne sait pas s’il est celui du lieu au corps ou celui du corps
au lieu; à la subjectivité de notre regard, de nos sensations, de notre mémoire, et de notre âme, répond l’objectivité
de notre corps et des lieux qu’il traverse. Et la tension ainsi créée fera, pour l’artiste créateur, le poème, la musique,
la vidéo, les images…. Les lieux donnés à regarder dans cette vidéo, sont ceux que j’ai traversés, ils auront donc
en chacun de nous une résonance particulière, et ces lieux -pour chacun de ceux qu’ils toucheront, qui se laisseront
toucher - resteront dans nos mémoires, mais transformés : abîmés, mis en abyme; car même s’ils sont le reflet de
mon histoire, ce ne sont pas seulement MES lieux, mais des lieux, des images et des sons universels. C’est cette
multitude de lieux qui fait le regard que nous portons sur le lieu présent, et celui-là, nous le façonnons en retour pour
les suivants à l’infini.
Nommée d’après le Voyage d’hiver / Winter reise de Schubert, cette vidéo, poème en image mots et
sons, se passe juste avant l’hiver, saison de la nostalgie, pour moi riche de réminiscences; elle est construite en cinq
moments : la confusion ou la terre, la nostalgie ou l’air, la vie ou l’eau, le chaos ou le feu, puis la résilience.
Morgane PAUBERT, Safari, 2min 56, ESAD Reims
Des images d’animaux sauvages dans leur en-
vironnement naturel se mêlent aux images des bâtiments du
quartier des Châtillons. Jeux de superpositions entremêlant
images de liberté et d’enfermement.
Dans cette vidéo de Morgane Paubert, les barreaux des en-
clos des zoos ont été remplacés par des façades percées de
fenêtres minuscules. Celles de bâtiments - ruches des ban-
lieues, construits pour contenir le plus grand nombre d’habi-
tants. Y vivre, bien qu’il soit possible d’y entrer et d’en sortir
se pense désormais comme une sorte d’emprisonnement. Dans une écriture proche du pictural, la juxtaposition
d’images à demi-transparentes, renvoie à cette savane urbaine habitée d’animaux sauvages fantomatiques. En
intitulant la vidéo Safari, elle fait glisser cette considération vers les zones dites sensibles de nos villes.
Frank H. PERROT, Pendule, 2min 06, FR
C’est à la Casa de las Ciencias, de La Corogne
(Galice) que les images de ce pendule de Foucault ont été
prises. Mettant en évidence la rotation de la Terre, celui-ci
traverse verticalement en son centre et de bas en haut tout le
bâtiment. L’oscillation monotone du poids sur son axe se voit
contredite par son périmètre de déplacement rond inscrit au sol
et par le mouvement circulaire ascendant des escaliers entou-
rant la corde. Aussi, les différents points de vue du film recon-
naissent la complémentarité entre la ligne droite et le cercle. Par l’architecture et le déplacement des visiteurs, la
spirale vient les associer et crée un lien. Si le mouvement du pendule nous place dans le temps réel, il ne tient qu’à
nous de circonscrire et d’appréhender l’espace de vie : le design sonore rythme cette vidéo tandis que les images
cadrent et soulignent l’espace représenté.
Emmanuel PITON, Fovéa, 8min 53 et Où le souffle est resté, 4min 13, FR
Fovéa amorcerait la version scientifique de cette création du lieu, si l’on s’arrêtait à la définition de cette
« fovéa » qui assure la vision centrale, et grâce à laquelle on distingue avec précision les détails et avec laquelle, on
distingue les couleurs. Le film en retient sa mise à l’épreuve devant l’objet, le corps, les lieux que la pellicule capte
sous la moindre lumière pour un projet fort éloigné de la description nette puisqu’il se fait métaphore de la difficulté
de l’image mémorielle. Le vacillement s’y généralise en paysage extérieur ou en maison intérieure ou en fragments
du corps.
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