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TRAVERSE VIDÉO ET LE CJC

       Cette œuvre évoque l’univers poétique de William Burroughs et ses assemblages de mots parfois «contre-nature»
    qui s’adressent plus aux sens et aux tripes qu’à l’intellect : le sexe-crabe, l’anguille visqueuse, le phallus-totem, la
    décomposition grouillante, le cœur arraché palpitant, etc. «Je n’ai pas eu à apprendre à copuler et à mourir» rappelle
    aussi le poème, la loi n’a pas à nous dire ce qui est naturel ajoute ce film, la loi n’a pas à juger ce qui nous constitue.
    La croyance en une divinité est-elle plus «naturelle» que l’amour d’un autre du même sexe ? Stark Electric Jesus
    prouve à quel point tout s’imbrique, notre cosmos est riche de croisements, de rencontres, de forces, de mort et de
    vie simultanément. Certaines mises en scène s’apparentent à la performance et on les estimerait plutôt artistiques
    mais en y regardant à deux fois : en quoi jugeons nous que c’est de l’art ? Qu’est-ce qui fait que ce soit assez différent
    de la vie pour qu’on juge que ce serait autre chose, quelque chose de sur-naturel ? Ça pourrait aussi bien être un
    rêve.

                  Cette œuvre nous confronte à notre culture qui influe (souvent trop) sur notre perception des choses et
    nous montre par la vie, le sexe et la mort que nous ne devons pas oublier que nous faisons partie d’un grand tout.
    Comme l’écrit le poète, cette œuvre «installe des miroirs violents sur chaque mur de la pièce que j’observe».

                                                                                  Samuel BESTER

    Eleni GIOTI, The Aegean or the Anus of Death,
    7min 20, GRE

                  L’ennui de certains films me captive. Le plus
    beau film, le plus ennuyeux telle une captive, à mes yeux,
    Son nom de Venise dans Calcutta désert.
    Cet ennui qui tient au corps, celui du regard hypnotisé
    comme celui du corps du cinéma, cet ennui que je guette
    et qui me sort de la torpeur de la projection. Cet ennui qui
    surgit et se déploie comme dans une course de fond, dans
    un film inattendu, dans ce film grec vu un après-midi, à Toulouse - The Aegean or the Anus of Death d’Eleni Gioti.

                  Un film qui envoie sourdement un rugissement, tendu, et une voix. Cette voix appelle l’ennui de l’appel
    des consciences. Happé, martelé par cette voix, je veux dormir éveillé, face à l’écran. Comme on lit tard dans la nuit
    Dostoïevski, happé par la fatigue, martelé par l’ennui.
    Comment s’appelaient les frères Karamazov ? Dimitri ? Serioja ? De l’amnésie, reste la vibration de la voix qui me
    parle encore.

       Je cherche cette voix dans le cinéma. Ce cinéma qui m’ennuie, c’est ce qu’il offre de mieux. Une rêverie dans le
    noir.

                                                                                  Boris DU BOULLAY

    Marine & Bob KOHN, Requiem for 2 people, 1min 10, USA

                  Le Requiem qui exhorte au repos, se déroule avant l’enterre-
    ment ou lors de commémorations. Comme Messe pour les morts, il garde
    pour nom, l’incipit de l’Introït chanté : Requiem æternam dona ei [/eis], Do-
    mine / Seigneur, donne-lui [/donne-leur] le repos éternel.

                  Le Requiem for 2 people de Marine et Bob Kohn s’éloigne d’em-
    blée de la sphère religieuse, aucun dieu n’est invoqué, aucune demande
    de lumière éternelle ne cherche à consoler… il n’est pas non plus chanté,
    sans chœur exaltant une âme. Il mérite cependant ce titre, car sinon avec un
    chœur, sinon à l’unisson, s’y succèdent des tessitures diverses, connotant
    l’opéra contemporain qui privilégie le parler modulé.

       Ces voix masculines et féminine scandent les mots de la disparition et son
    lot de « détruit / manque … » et le voyage qualifié de long : « it’s a long trip»
    et de « no where » ainsi que le « good bye » aux disparus « for two people ».

C I N É M A E X P É R I M E N T A L - A R T V I D É O - M O N O B A N D E S 67

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