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TRAVERSE VIDÉO ET LE CJC
Ainsi préférons-nous, de plus en plus, des interactions artificielles que nous maîtrisons à des relations en face-à-
face par nature incontrôlables.
C’est vrai aussi d’Internet. Le simple fait de passer de plus en plus de temps en ligne, que ce soit
dans Second Life ou sur Facebook, nous rend de moins en moins aptes à avoir ce type de relations en face-à-face.
Cela nous habitue à des relations essentiellement fonctionnelles, utilitaires et mesurables. Plus nous construisons
notre existence en fonction de son reflet numérique et plus nous nous robotisons. Si l’on peut automatiser de plus
en plus de tâches, y compris intellectuelles, ce n’est pas seulement parce que les machines pensent et agissent de
plus en plus comme des humains, mais aussi parce que les humains pensent et agissent de plus en plus comme
des machines.
Fragments d’une interview de Clotilde COUTURIER - MYDYLARAMA à Thibault LE TEXIER
pour LA BRASSERIE DU COURT lors du festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand.
Interview complète : http://labrasserieducourt.com/linvention-du-desert/
Blog de Thibault Le Texier
Lucia MORENO, Water Data Falls, 2min 10, ESP
Quand l’erreur profite.
Avec Water Data Falls, Lucia Moreno nous entraîne dans les cascades 2.0 du datamoshing en créant
un brouillage visuel sur des fragments filmiques par l’exploitation des défauts de compression vidéo numérique et
l’ajout d’images grappillées sur le Net.
Sensible aux spécificités du médium et usant de la technique comme du bidouillage, Lucia Moreno cro-
chète le son, bouscule le pixel et force le décalage pour reconstruire un paysage animé de chutes de matière triturée.
Water Data Falls se nourrit de quelques séquences de Niagara tourné en Technicolor en 1953. Le film relate l’histoire
parmi tant d’autres d’un triangle amoureux qui se termine mal. Le réalisateur Hataway retient les chutes du Niagara
comme symbole de force pulsionnelle et pourfend ses images de couleurs vives pour créer son ambiance. Lucia
Moreno se réapproprie ce langage métaphorique au profit d’un montage vidéo décalé qui, d’entrée de jeu, libère de
leur fichier numérique les trois protagonistes joués par Marylin Monroe, Jean Peters et Joseph Cotten.
Elle soumet les figures à une déferlante de nuances désynchronisées et rejoue le film noir hors des
codes habituels du genre. Les couleurs issues du processus Technicolor qui, dans le film guident le spectateur dans
le dédale des sentiments amoureux, se transforment en séquences chromatiques morcelées par le flux défaillant
des signaux vidéos numériques. Lucia Moreno recompose une ambiance sonore un peu glauque qui hoquète entre
fragments de dialogue et chanson en intercalant des scintillements sonores comme le bruit de la neige de la télévi-
sion et une finale toute en cascades de harpe numérique! Par son travail de déconstruction de l’image filmique, Lucia
Moreno s’invente un univers en mouvement délicieusement pictural et chaotique.
Michèle LORRAIN
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