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TRAVERSE VIDÉO ET LE CANADA
Nelly-Ève RAJOTTE, GIV, Apex, 7min 37
Tout quitter pour partir vers le Lieu
de l’apex, de la pointe, de l’apogée des forces de
l’eau, des grands arbres… Prendre la route hap-
pé en caméra subjective pour ne plus voir que
le désordre souverain des forces naturelles. En
danse avec Apex, Slow water, musique ambient
de Eno renverse son titre et s’entrelace au même
renversement des critères de haut et de bas des
cours d’eau; les cascades remontent, les écla-
boussements fracassés en gerbes deviennent
constellations, les sous - bois s’emportent dans la
verticalité des troncs. La surimpression augmente
la densité du mouvement et l’espace se double alors que des droites s’y multiplient, prolongeant cette élévation…
Les sons sont ceux que l’on prête à la musique des sphères, les arbres bruissent, les eaux éclatent.
Le poème visuel s’ouvre au camaïeu de vert de la végétation et la pluie de taches noires ne parvient pas à ôter cette
saturation colorée, elle y ajoute une autre forme de mouvement.
Le poème se fait le lieu inouï de trois splendides biches, entourées du halo qui leur est dû. Elles sont là,
sous la neige, en évanescentes taches blanches. Trois puis deux puis une qui saute, propulsant son arrière train que
la plume dessinée par sa queue blanche ne parvient pas à animaliser. Apex de la fascination devant cet animal-là
qui en un regard adressé nous convoque : c’est faune de fée.
Simone DOMPEYRE
Jules SAULNIER, Vidéographe
Postcard, 3min 04
Dans un moment de solitude dans
la ville la plus peuplée du monde, une carte pos-
tale est rédigée à voix haute, quelque part dans
la nuit aveuglante de Shanghai. Musique et ton
de la voix connotent une légère peine, celle de
l’absence, celle du regret… mettant la sourdine
aux mots d’une parole masculine, en chinois et
en off, censée être de félicitations pour des fian-
çailles ou de la satisfaction de séjourner dans
cette ville et d’y « être très vivant ».
Les lumières ont beau être colorées et vibrantes, la circulation dans la nuit a beau être la preuve d’une
ville active et « excitante », en filigrane, s’amplifie le « tu me manques » que l’homme, seul dans cet ailleurs, ose
exprimer. Sa chambre est vide, éclairée seulement par les néons colorées de la vie nocturne, sans qu’il y participe.
Cette voix est tendre et comme son commentaire sur la transmission de la nouvelle par une mère bavarde, elle
atteste de la proximité des interlocuteurs, mais aussi du désir interdit désormais pour celui qui écrit la carte et la dit.
Simone DOMPEYRE
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