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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 64


Anne-Charlotte FINEL, Entre chien et loup, 5 : 44 min., Fr.
Les vidéos d’Anne-Charlotte Finel plongent toujours dans une sorte
d’entre-deux, à la lisière du fctif et du réel, du paysage urbain et de
la forêt, de la lumière et de l’obscurité. Sous les lumières fugitives,
sujets et paysages se meuvent comme des souvenirs, des rêves
ou des visions.
Arpenteure et observatrice passionnée du paysage, l’artiste dépose plus qu’elle ne porte un regard sur
ce que sont devenus les espaces urbains. Entre Chien et loup sait percevoir et transmettre la tension
entre les composants de forts moments picturaux vidéographiques : des biches et des cerfs paissent
dans une forêt en une atmosphère bucolique de nuit et l’on entendrait presque une nocturne au piano
jusqu’à ce que des changements de lumière subtils les situent près des grands ensembles d’une ville.
Le genre du paysage centré sur un espace particulier dont il cumule les topoï : grands arbres, ruisseaux,
herbes et feuillages pour ces animaux charmants avec ramures et grands yeux pour les biches, est débordé
puisque s’y scrutent des zones frontières et leur ambivalence et que les animaux y ont perdu de leur
distance et de leur rareté. Le « Entre Chien et loup » désigne, dès lors, pas que le moment de la lumière
bleue et fottante mais celle où les animaux ne peuvent plus être catalogués comme apprivoisés ou
sauvages, qu’ils sont ni chien ni loup.
Les biches et les cerfs de cet opus, souvent, lèvent la tête comme en attente d’un visiteur… or l’homme
qui traverse leur espace, les méconnaît tant il est absorbé par son jogging matinal. Le cerf ne plonge
pas sa tête dans l’eau de la résurrection, il n’arbore pas de grands bois magnifques, au contraire, le
charme de leur approche est quelque peu perturbé par une robe abîmée découverte par les lumières de
la ville. Cependant « la nuit, à l’aube, au crépuscule ou à l’heure bleue » l’enchantement fotte dans cette
vidéo qui garde un regard d’affection sur le monde et ses animaux sauvages ne le fussent-ils qu’à moitié.
Simone D. d’après la synopsis de l’artiste

Martin KUKAL, The Potato Eaters, 4 : 00 min., Rep. Tch.., Czech Short
Films
The Potato Eaters, quatre minutes qui font sourire Van Gogh. Le flm
se fait l’écho juste et en affection, d’une des variations de 1885, des
cultivateurs de pommes de terre, ainsi que le reconnaît son titre. Et son
noir et blanc, changeant selon la rondeur, la vigueur, la vitesse du trait
se souvient de la palette ocre et terre de Sienne, cobalt, noir vermillon
et de l’esprit d’un « Van Gogh, l’artiste qui marchait sur les terres du Brabant » porté par le projet d’une
version morale de l’art ; ce qu’il expliquait à Théo son frère. « Faire en sorte qu’on ait l’idée que ces petites
gens, qui, à la clarté de leur lampe, mangent leurs pommes de terre en puisant à même le plat avec les
mains, ont elles-mêmes bêché la terre où les patates ont poussé ». Touche, hachure, couche, coup de
pinceau, tache, point, virgule, touche en frise, s’enroulent dans la peinture et dans le dessin animé ; le
matériau faisait son empreinte, la touche animée elle aussi devient fammèche. L’animation retient cette
force du trait qui scintille en formant/suivant les activités des paysans. Ils produisent la pomme de terre,
la cuisent, la mangent. Les animaux bêlent ou paissent ainsi la vache adressant son regard au passant.
Tous les éléments participent à leur être ; de leur travail n’est pas retenue la rudesse mais la noblesse de
leur production : l’humilité est la qualité reconnue, mieux emblématisée. Et ils sourient, ils le peuvent
dans l’animation qui meut leur visage et leurs traits… ils sourient de leur repas ensemble, ils sourient
en accueillant celui que le plan subjectif récurrent à travers les herbes, sur la route caillouteuse, près de
la porte faisait attendre le peintre en autoportrait lui-aussi heureusement souriant. Simone D.
- 5. Cinéma UGC / Goethe Institut / Decazeville -
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