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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 61

l’oubli d’elle par ceux qui savent pourtant comment bouger un corps sans le blesser, ni lui faire mal,
comme si elle assistait très extérieure à la scène et réclamait par son constat sans plainte plus d’humanité
chez les soignants ; ou dans une plus grande distanciation, elle énonce des notions savantes concernant
le comportement social et déviant. Ainsi aussi proches que deux humains puissent l’être, leur relation
peut n’être que froide voire prouver un isolement de chacun ; des gestes phatiques de contacts sociaux
sans réalité affective, une proxémie faussement proche. En français, toucher quelqu’un, ne se résout
pas en un contact physique, c’est aussi émouvoir, l’anglais y ajoute la prise de communication et la
vidéo appelle à se souvenir de cette polysémie partagée par les deux langues. Simone D.

Bettina HOFFMANN, Swing, 2 : 47 min.,Can.
La manière de titre de Bettina Hoffmann garde la
force brève : verbe lancé comme injonction à suivre
ou infnitif sans conjugaison, laissant dans l’incertain,
la réalisation du thème ainsi lancé. Swing peut se
traduire de diverses et nombreuses manières mais y
demeure le sème du balancement, de l’oscillation y
compris en ce qui concerne le pas rythmé, y compris en ce qui concerne la vacillation du sens. Même
si l’espace se restreint à un seul espace intérieur, une pièce d’un appartement banal, la structure du
flm en épouse le mouvement de passage en un diptyque et l’assume en inscrivant en rouge, trois
fois, le titre sur ces deux pans. Ce rouge se lance en écho par divers objets au gré des passages, des
éléments de l’un à l’autre que ce « swing » augure aussi. Le mouvement en balancier répète une même
fgure avec ou sans légère transformation dans l’attitude, par exemple l’inclinaison d’une adolescente,
la première et la plus précisément retenue dans le champ y compris dans les deux pans, ou avec la
transformation de l’échelle introduisant un couple ou un refet dans un miroir de trois. Le champ est
déplacé mais il subit aussi en interne des mouvements rotatifs.
Une adolescente maussade, butée réagit face à des adultes, hommes et femmes et un garçon, tous
tournés vers elle. Elle est alternativement montée face à tel adulte ou tels adultes groupés. Leur corps ne
bouge pas, leur visage reste impassible, les lèvres ne prononcent rien mais en off, des mots - en anglais
- se disent, se croisent, voix masculines et féminines se superposent ce qui perturbe leur compréhension
mais non l’âcreté de leur propos ni le mal-être. L’enfant est la cible, la proie… elle pense en réaction.
Des voix masculines reconnaissent sa diffculté et sa tristesse « sadness », lui conseillent de l’accepter
mais plus gravement une insinue d’autres atteintes, d’autres menaces, avec une affrmation à plusieurs
ententes « tout ce que je dis est que la tentation est là » et la répétition que l’enfant n’avait/n’a pas de
sauvegarde : « tu veux un abri » mais « tu sais que je vais le faire / je suis désolé si je t’ai fait mal / tu
dois accepter ça » ainsi le « ma chérie » peut se considérer différemment. La seule tessiture féminine
n’apporte aucun secours, dans un constat peu défni : « c’est un gros problème » ou « rien, rien, rien »…
la femme ne tient pas la fonction protectrice que la société continue à lui accorder.
Elle est proche de l’homme du « You need to accept it / tu dois l’accepter. » L’enfant pense son affect
« je le ressens » tente de faire barrage répétant « rien » ou de trouver la force pour quitter la chaise qu’elle
occupe dos rond « est-ce que je peux avoir du courage, bouger / il faut que je bouge / bouger ».
Deux mondes se confrontent, s’opposent dans l’impossibilité de l’amour, de la compréhension.
Dans le va et vient des regards et attitudes arrêtés, passent des images de ce malaise : sur le calendrier
accroché au mur, la reproduction du Laocoon décrit les efforts vains d’un père attaqué ainsi que ses
deux fls par un énorme serpent et sur la couverture d’un ouvrage, traînant sur la table, la tête de Méduse
du Caravage laisse se tordre les serpents effrayants. Ce ne sont pas les raisons d’être de ces douleurs
- 5. Cinéma UGC / Goethe Institut -
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