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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 60
Lampros GEORGOPOULOS, Pass, 6 : 50 min., Grèce, Horme
Pictures
Une parabole sans paroles regrette que les Européens s’engagent
de leur plein gré dans des voies sans issue. Pass en antiphrase
accuse une Europe mortifère qui bloque l’homme loin de le libérer.
D’emblée, la bande son accueille par une sonnerie stridente de
chantier, elle se poursuit scandée des bruits de machine durant le passage/pass et encore lors du
générique, sans icone, attestant que cela se poursuit hors de la vidéo.
Outre les bruits caractéristiques, tout y répond aux réalias d’un entrepôt : complexe de couloirs fait d’énormes
piles de conteneurs métalliques de fret, machine « Clark » avec élévateur de colis, sol nu. La musique
dramatisante efface l’idée d’un documentaire sur le travail d’autant que l’obscurité ne découvre qu’un
homme, un moine à en croire sa robe de bure devant les grilles et plus tard d’autres anonymes, hommes
et femmes. Son comportement intrigue tout autant que sa présence en un tel lieu : laissant tomber
son habit, il s’agrippe bras dressés, au devant de la machine-outil dont les bras élévateurs s’abaissent
pour qu’il y monte. Visage dirigé vers l’avancée noire, yeux vides, il est conduit à travers les couloirs
jusqu’à ce, qu’à un tournant vers un nouveau couloir, il disparaisse. Quelques secondes après, la machine
réapparait sans lui et elle reprend sa première position de chargement. En amorce, une femme sans
expression est prête à suivre le protocole et comme elle, une fle sans fn, réduite aux pieds nus de ceux
qui attendent. La vidéo prouve qu’elle peut lancer un avertissement voire exprimer une contestation
politique par une métaphore vidéographique très fortement portée. Simone D.
Bettina HOFFMANN, Touch, 4 : 00 min., Can.
Un non lieu espace noir avec pour seuls indices d’intérieur, une table,
une lumière artifcielle qui cependant, éclaire une scène connotant
la pratique du kinésithérapeute, puisqu’une femme allongée y est
manipulée, de manière peu habituelle par trois personnes, sans la
blouse blanche de leur métier. Le plan reste fxe, les mouvements
y sont coincés.
La femme est tirée, ses jambes sont pliées, décroisées ; sa tête ou son corps en entier sont tournés ; elle est
relevée, recouchée, sans brusquerie ni chaleur. Les gestes sont précis alors que l’une les commande
aux deux autres, qui opinent, obéissent ou pas assez vite. Verbes ou interjections impératives ou verbes
de modalisation : « il faut la retourner/tu dois la ramener vers moi », correction de la manière de faire
« non, pas trop, non vers toi… » d’acceptation « je la prends », scandent le soin qui, dans sa précision du
moindre changement de ce corps, en oublie la donnée humaine, vivante. Ils précisent ce qu’il y a à faire
et ce qu’ils font, au-dessus du corps, dès leur rapprochement de la table avec corps et jusqu’à ce qu’ils l’y
abandonnent avec, pour seul changement de posture, les bras rapprochés le long du corps. La manipulation
en appellerait d’autres où la personne subjuguée, aliénée se laisse faire, n’a plus d’autonomie. Cependant,
le corps malléable à souhait garde une certaine distance voire analyse ce qui a lieu. Il s’éloigne du
présent kinésique non seulement en parlant en anglais alors que les manipulateurs emploient le français
mais il ne réagit pas aux injonctions, sans réaction première à ce qu’ils font, ni pour s’en plaindre ni
pour s’en satisfaire par un mieux-être ainsi obtenu grâce à eux. La différence de langue n’est pas une
justifcation de la non communication mais une métaphore de la non écoute de ceux qui, pourtant pris
dans un contact des plus proches, n’entendent pas plus l’autre que s’il ne parlait pas.
Cependant si le volume de son discours est moins effectif pour la distinction de ses mots, se discerne que la
personne ainsi manipulée discourt sur le comportement social dans le domaine scientifque. Elle commente
- 5. Cinéma UGC / Goethe Institut -