Page 113 - catalogue 2017
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1. Espace lll Croix-Baragnon Installations
Sylvie DENET, Crank, 1min46 (Fr.)
Crank a été conçue à la suite d’une résidence de trois semaines
à Tianshui en Chine dans la province du Gansu. Plongée dans
une petite ville du centre de la Chine sans pouvoir communiquer
oralement, l’artiste a observé les déambulations des habitants
dans la ville, les ouvriers œuvrant à l’avancement d’un chantier
gigantesque dans le lit d’un feuve disparu. Crank / manivelle en
français, dénote un rouage, une machine qui tourne. Des hommes
apparaissent devant nous puis disparaissent, avalés selon leur
activité par le tapis roulant. Cependant tous ne vont pas à la
même vitesse, chacun est sur son tapis roulant, certains avancent
à contresens et restent un peu plus longtemps dans le champ
visuel.
Ainsi l’impression de chaos se dépasse t-elle, les mouvements se
font calmement et la roue tourne inexorablement.
La couleur, cependant, exalte cette ode au travail d’anonymes.
La touche en forte virgule du pinceau déréalise le sol alors que le
travailleur flmé en action, portant des seaux, les vidant, entassant
des pierres garde sa propre image et parfois l’ombre en rappelle
la défnition humaine.
L’espace à la verticale réunit le haut et le bas en gardant la force
nécessaire à ce travail du corps ; il déborde la réalité concrète
du travail en invitant des fgures nées de l’animation : elles
s’accroupissent, se font pousser, elles grimpent en escalade
improbable, elles échappent à la poussée d’un ouvrier flmé
dans le réel. Le contenu des seaux s’échappe en formes non
référentielles colorées.
L’animation a le pouvoir d’interférer, d’entrelacer les mondes : elle
sait que tout est image composée, à la machine d’animation, au crayon de création ; elle ne leurre pas à coups
d’identifcation, mais incite à penser diféremment le monde.
Simone Dompeyre
Eric MUTEL et Laura MURTOMAA,
MYKKÄ (Hetki jään sisällä) / MUTE (A moment inside ice), 13min11 (Suis.)
Trois bustes de dos, trois jeunes femmes, prises dans
d’étranges blocs aux formes pourtant parentes et
parallélépipédiques, s’imposent sur leur fonds minimaliste et
sombre. Le noir et blanc signe la rupture d’avec l’imagerie
actuelle. La capture est d’emblée, on ne peut que rester saisi
par la force en émanant, et le questionnement sur ce qui est
là.
Le triptyque s’instaure dans le silence, un bloc y tourne sur lui-
même, s’y adjoint un second à gauche avant un à droite dans
un semblable mouvement sur eux-mêmes, avant l’arrêt. Le
mouvement se fait par bloc ; après ces tours sur soi, les trois
se suivent, leur déflement réorganisant l’horizontale « intra-
carrés » de glace. Et peu à peu les visages se découvrent non
pas d’eux-mêmes mais parce que les blocs tournent.
Ce mouvement sur soi ne recherche pourtant pas la
complétude de l’image, il n’entre pas dans la tradition des
peintures et photographies intégrant en leur champ un miroir
afn de décrire la nuque de la femme de face ou le visage de celle de dos. Pour preuve, la lenteur descriptive est
débordée en crescendo jusqu’à ce que le ficker s’empare de ces images en bloc, une puis l’autre jusqu’à la difculté
d’en appréhender les traits dans le triomphe de ce mouvement.
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