Page 116 - catalogue 2017
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Installations 2. Musée des Augustins



zoom arrière ouvre le champ au plan d’ensemble de cet espace déshérité. La vidéo se saisit de toute l’échelle du
plan pour une étrange relation avec la peinture d’histoire par cet écho du David ; de cette œuvre emblématique
commandée aussitôt après l’assassinat par Charlotte Corday, liée aux Girondins contre lesquels luttait Marat, fgure
tout aussi emblématique de la Révolution Française, intransigeant et dévoué à la cause du peuple. La baignoire est
actuelle mais cachée par le drap idoine, l’homme porte, de même, le turban alors lié à cet usage ; la plume est
encore dans sa main ainsi que la page qu’il écrivait, le billot de bois support ne se risque, en revanche, pas à imiter
la signature du peintre. L’huile sur toile disait la mort par les nuances de la carnation et la tache rouge...

Le tableau de 128 x 165 cm, placé en hauteur à la Convention attirait le regard qui devait faire le tour des indices et
preuves de l’attachement au peuple, avec l’assignat et le texte qu’il écrivait, de son humilité le drap est reprisé. La
vidéo n’endosse pas ce rôle politique, elle déborde la fxité et les limites du champ jusqu’à annuler le tableau ; elle
adopte le regard documentaire sur des zones que la peinture académique a longtemps oubliées, le crime est aussi
celui de la nature... cependant, Vague baignoire prouve que l’on ne fait jamais table rase des images qui nous ont
précédés.
Simone Dompeyre


Martin KUKAL, The Potatoe Eaters, 4min (Czech Film Center, Rép. Tchèque)
The Potato Eaters, quatre minutes qui font sourire Van Gogh. Le
flm se fait l’écho juste et en afection d’une des variations de 1885,
des cultivateurs de pommes de terre ainsi que le reconnaît son titre.
Et son noir et blanc, changeant selon la rondeur, la vigueur, la
vitesse du trait, se souvient de la palette ocre et terre de Sienne,
cobalt, noir vermillon et de l’esprit d’un « Van Gogh, l’artiste qui
marchait sur les terres du Brabant » porté par le projet d’une version
morale de l’art; ce qu’il expliquait à Théo son frère. « Faire en sorte
qu’on ait l’idée que ces petites gens, qui, à la clarté de leur lampe,
mangent leurs pommes de terre en puisant à même le plat avec les
mains, ont elles-mêmes bêché la terre où les patates ont poussé. »
Touche, hachure, couche, coup de pinceau, tache, point, virgule, touche en frise, s’enroulent dans la peinture et
dans le dessin animé ; le matériau faisait son empreinte, la touche animée elle-aussi devient fammèche. L’animation
retient cette force du trait qui scintille en formant / suivant les activités des paysans. Ils produisent la pomme de
terre, la cuisent, la mangent. Les animaux bêlent ou paissent ainsi la vache adressant son regard au passant. Tous
les éléments participent à leur être ; de leur travail n’est pas retenue la rudesse mais la noblesse de leur production:
l’humilité est la qualité reconnue, mieux emblématisée. Et ils sourient, ils le peuvent dans l’animation qui meut leur
visage et leurs traits... ils sourient de leur repas ensemble, ils sourient en accueillant celui que le plan subjectif
récurrent à travers les herbes, sur la route caillouteuse, près de la porte faisait attendre le peintre en autoportrait
lui-aussi heureusement souriant.
Simone Dompeyre


Cristina PAVESI, Still alive #1 et #3., 2min (Ital.)

Un vent surréel frappe un bouquet de feurs, une grappe de raisin
change d’apparence sous les variations de la lumière défaisant
la règle d’immobilité de la « nature morte » et provoquant une
impression d’anxieuse attente.
Une nature morte qui ne le sera jamais parce que vibrante sur la
minute vidéo qui invite à la revoir, encore et encore. Des roses
blanches, beiges, roses, noires... ouvertes comme des renoncules,
ou plus ou moins épanouies presqu’à la tombée des pétales qui,
jamais, ne s’opère. Ces feurs occupent le champ sur un fond noir
qui eface tout projet ornemental alors que l’espace est porté par la
musique tout aussi frissonnante de Khryzaliis, au nom fort adéquat,
puisque l’état d’insecte en formation ne réclame que de s’ouvrir pour
sa vie éphémère.
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