Page 115 - catalogue 2017
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2. Musée des Augustins Installations


Julie BOURGES et François DE MONTREMY, Umbra, 1min45. (Fr.)

La simplicité relative, un escalier qui ne mène nulle part - même
capté selon deux axes inverses- le soleil peintre qui n’est là que par
les ombres qu’il dessine, branches d’arbres fnes et nombreuses ou
herbes folles ou feuilles sèches ou cette cheminée sur ciel dégagé.
La complexité latente : au-delà de la simple ombre portée, le titre
latin dit aussi le refet et non la chose et il invoque les fantômes,
ceux qui continuent à hanter la terre des hommes quoique dans la
légère teneur de corps sans poids.
Cette ombre difère sur les murs, seule ou avec son arbre, ou venue
des herbes hautes au-dessus d’une palissade, ou en léger vert qui
accompagne le bruissement des herbes. Le lieu est dépeuplé,
calme, solitaire mais sans crainte, sans éclats de couleur mais en
doré léger.
Le sens s’enfuit, sans creuser de manque cruel, il fait voler une
nostalgie aimable, sous la portée musicale électronique du
réalisateur, qui mêle après des pas marqués et des craquements
nets des voix de disparus ou tout au moins d’absents.
Umbra fait le jeu de la diférence, elle remet à plus tard la résolution
de ce passage, ou à jamais. Son temps est un temps sans temps et avec tous les temps : celui de la photographie
matrice de l’œuvre, recueil d’instants immobiles par Julie Bourges. Celui du mouvement en volets successifs parfois
rudes, en clignotements internes au champ de la vidéo de François de Montremy. Celui du retour de cette mise en
boucle dans le musée en cette disposition duelle ; temps « interart », de l’écho fait aux paysages picturaux calmes
alentour et aux paroles dites en voix féminine over et écrites par Michel Ange.
Le poème-vidéo Umbra suit les accents d’un poème de l’artiste dont on oublie son cheminement en poésie vers ses
trente ans. Il suit sa ligne mélodique interne acceptant son vers premier
« Veggio co’ be’ vostr’occhi un dolce lume che co’ mie ciechi già veder non posso / Je vois avec vos yeux une douce lumière que mes
regards aveugles n’auraient jamais pu voir ; »
se fnissant avec ses derniers
« Come luna da sé sol par ch’io sia, ché gli occhi nostri in ciel veder non sanno
se non quel tanto che n’accende il sole. / Je ressemble à la lune que nos yeux ne peuvent voir dans le ciel tant que le soleil ne l’éclaire
pas. »
Michel Ange aborde canzoni, sonnets, madrigaux, tercets, quatrains d’amour ou de pensée et de théorie poétique,
spirituels ; 300 en sont recensés. Ils suggèrent essentiellement le trouble et la soufrance mais Michel Ange se
refuse aux poèmes d’éloge pourtant attendus par les mécènes. Et parfois, il décrit son travail de peintre comme
lors de sa réalisation de la voûte de la Chapelle Sixtine.
Umbra reste muette sur cette origine, elle refuse la traduction ainsi par la force du signifant sonore, la grande
Ombre y poursuit l’envoûtement d’autant parce qu’elle reste précisément en hors-champ : l’ombre du cinéma
nécessaire à sa lumière.
Simone Dompeyre




François GAGELIN, Vague baignoire, 2min (ESAD Reims, Fr.)


Dans un no man’s land périurbain, un décor fait d’objets et de
matériaux divers récupérés et assemblés pour une reconstitution
du tableau La Mort de Marat de David. Un chef d’œuvre de la
peinture classique revisité. Un tableau vivant dans un terrain vague.
Une vague reconstitution en forme de tableau vivant. Une scène de
crime entre deux époques, deux esthétiques, deux univers.
Étrange association, Vague baignoire réunit le lieu : le terrain désolé
d’une déchetterie avec ses bennes pleines et ses faques d’eau
croupie et une baignoire incongrûment occupée par un homme
apparemment inanimé. Si un travelling au plus près, découvre après
un bras nu, une blessure qui saigne à la poitrine puis l’homme, un

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