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Projections  Cinéma Le Cratère

de cette prise d’air indispensable pour vivre, quand pour cette prise d’air, pour vivre,
il faut aimer.

La leçon, sans leçon car Arnold n’est pas un donneur de modèle, c’est prendre à
bras le corps, aimer à chaque fois le projet en lequel on s’insère. Il avait dit pour
aurevoiretmerci : « Pina Bausch danse et je filme », dans la simplicité de la chose
inéluctable, allant de soi : si Pina danse alors je fais film d’elle.

                                     En effet, sa pratique filmique est si précoce – il la considère
                                     d’emblée comme son « moyen de se rapprocher des
                                     autres » – qu’elle est sa seconde nature (naturalité ?) :
                                     dès le collège, films en Super 8, et durant l’été 1986,
                                     location d’une VHS pour, en un seul jour, faire ce film
                                     dont le titre atteste qu’il y s’agit de faire trio avec ses
                                     amis « Angela, Denis et moi ». Il n’abandonne jamais la
caméra en en déclinant les techniques successives Super 8, 16 mm, 35 mm, VHS,
VHS-C, Vidéo8, HI8, U Matic, Béta Cam, Béta Num, DV, DVcam, mobile… sans
se prendre au mirage de la technicité car ce n’est pas la maîtrise de la machine qui
importe mais la relation avec le filmé.

Il est happé par le sujet… jamais son référent n’est ravalé à un statut de thème mais
pris en un rapport personnel, fort où lui et l’autre forment un duo cinématographique.
Il compose avec ce qui est, qu’il aime ; ses désirs d’être pleinement en l’espace,
de l’embrasser l’ont conduit à la danse et aux films de danse ; aux voyages et aux
films de lieux ; à l’architecture et aux films de l’espace bâti, aux amours et aux films
amoureux.

Ses films gardent la chair de l’avoir fait, de l’avoir été dans le désir de le faire faire, de
le faire être encore et toujours… sans doute, la si douce nostalgie qui affleure de ses
plans vient-elle de cette utopie.

Un plan fixe dont l’espace est dévoué à la gestuelle de la danseuse, visage
imperturbable, costume simple de ville noir et queue de cheval qui étaient aussi
sa signature. Il privilégie le buste, en accord avec cette chorégraphie aux grands
mouvements des bras, penchements de la tête, à la fluidité du haut du corps. Les
mains contournent le menton, les joues et s’envolent. Fond noir ou coloré vert gagnés
par la neige de la vidéo en basse résolution alternent, parfois l’ombre double la danse ;
des volutes tournoient ainsi que de grands voiles à la Loïe Fuller ; ils ne gardent des
grands poissons rouges qui évoluaient sur le mur du théâtre, que la souplesse de
l’évolution.

Jamais cette déclaration d’admiration amoureuse n’échoue dans le constat
faussement fidèle : un léger flicker détache Pina Baush attestant que d’elle on ne

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