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Cinéma ABC  Projections

lettres, dans le texte déconstruit qui apparaît dans le champ et surtout dans le travail
sonore d’Alain Lefebvre. On croirait regarder une ode à la passion, mais aussi à une
démonstration du danger de l’émotion humaine. On saisit que l’artiste est brisée et
on lit une tentative de sa part de recoller un espoir perdu, une vision idéalisée mais
le beau est éphémère et artificiel. À travers cette tempête de destruction analogique,
ce chaos audiovisuel, on perçoit cependant quelque chose de beau ; l’artiste réussit
à merveille à nous plonger dans ce paradoxe esthétique. Dans ces deux vidéos, se
retrouve la physicalité de l’artiste. Travaillant de ses mains la vidéo analogique, elle
expose son propre processus créatif. Œuvres intimes, autoportraits matérialistes, une
mise à nu de l’esprit de Clermont ; elle s’ouvre généreusement à nous, dévoilant
autant sa complexité émotionnelle que quotidienne.

                                                                           Guillaume Vallée

Cecilia Araneda, Before

3min35 | Winnipeg Film Group, Canada

                                                       Poème filmique, réalisé en 16 mm dont
                                                       la pellicule a été peinte et teinte à main,
                                                       Before s’inquiète de la réalité de l’amour,
                                                       de sa possibilité et de son impossibilité.
                                                       Un mouvement continu décrit des fleurs
                                                       sur lesquelles parfois sont posés des
                                                       insectes. Le teintage irréalise l’espace
                                                       rendant sensible le passage du temps,
d’autant que des craquelures zèbrent l’espace. D’emblée, un mauve très éloigné
de la végétation augure de ce regard sur le monde ; le flou ou inversement des
contours marqués environnent les corolles. Les mots quasiment psalmodiés passent
par diverses tonalités, de même que les images passent du négatif, entraînant le noir
et blanc, au positif coloré ; scrutant ainsi les sentiments et impressions, ils parviennent
à des halos plus paisibles parmi les moments de trouble portés quant à eux, par
un arrière-son sourd avec des connotations de ratures, de grincements. Pourtant
paradoxalement, la voix apaise en ce chemin parmi les fleurs tourmentées mais en
beauté.

                                                                           Simone Dompeyre

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