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Cinéma ABC  Projections

vibrant par animation. Le travail n’est pas une sape mais une implication sur la nature
de l’image en mouvement, désormais numérique.

Hector Rodriguez ne dérobe pas mais travaille différemment le nouveau footage en
une réflexion sur l’art à partir d’algorithmes qu’il applique visiblement en blanc sur les
photogrammes.

La première approche marque son emprunt d’une ligne rouge verticale à mi-champ.

Kosuth avait marqué sa théorisation de l’art en inversant le tirage photographique
d’un tableau de genre : une jeune paysanne avec enfant tenant un fruit ; en marquant
de croix en adhésif, un pied et le front de l’enfant et une main d’elle ; en réunissant les
croix pour ouvrir une note concernant la construction de sens nouveau. « Les formes
que prend l’art sont le langage de l’art, on peut alors comprendre qu’une œuvre
d’art est une sorte de proposition présentée dans le contexte de l’art en tant que
commentaire sur l’art. […] Les œuvres d’art sont des propositions analytiques. »

La seconde approche opère diversement encore. Elle invente un dispositif qui réunit
deux processus d’images en mouvement, la machine de projection et la machine
informatique nécessaire, de plus, à l’analyse. Il place le second support d’image,
en oblique en une légère contreplongée dont l’horizontale supérieure rejoint la
base de l’écran premier de projection, lui-même filmé. Se voient indissociablement
le film expérimental pellicule, cinéma direct, originel et les méthodes d’analyse
computationnelle, en un effet d’installation filmée : dans le noir ambiant se dessine
cette tridimensionnalité où le film originel garde son système de visualisation verticale.

L’image numérique calcule et visualise les champs de force qui composent l’image
originelle transcodée, celle-ci produite par un travail technique autre, le cinéma sans
caméra, qui réclame des étapes pour que les ailes et brindilles deviennent images
filmiques à projeter.

Le logiciel, programmé par l’artiste Hector Rodriguez et par Hugo Yeung, analyse la
quantité de surprise ou de nouveauté, c’est-à-dire les informations nouvelles d’une
trame en vidéo, d’un photogramme filmique par rapport aux précédents. La quantité
d’informations s’affiche sous forme de graphique. Si un champ est visuellement très
différent des précédents, le graphique affiche plus d’intensité. Il ne s’occupe pas
d’autres caractéristiques comme la couleur, les deux études sont en noir et blanc, ni de
la reconnaissance des objets et ses Entropic Envelope (Mothlight) font du film originel
un flux de structures graphiques, dans la lignée des films abstraits expérimentaux.

Une étrange relation s’opère entre les deux instances, l’une appelée par l’autre.
Que le graphique débute au ras de la limite du champ, lui donne un pouvoir d’accroche
de l’attention, qui se transforme en fascination pour peu que l’on accepte de se défaire

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