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Projections Cinéma ABC
Charlotte Clermont, as close as possible/as far as possible / How
Flowers Never Became A Food Group
7min01 / 4min44 | Winnipeg Film Group / Vidéographe, Canada
Réalisée lors d’une résidence de création au
Studio Kura, au Japon, as close as possible/as far
as possible est une poésie du lieu, de la distance ;
la poétique du quotidien à travers la matérialité
analogique du VHS. Plans spectraux de lieux
inconnus, ampoules électriques qui brûlent et
s’éteignent, glitchs magnétiques de couleurs
vives et figure montant un escalier ne sont que
quelques éléments de cette vidéo. S’y exprime le désir de l’artiste de s’adapter au
choc culturel de l’ailleurs par l’entremise de sa pratique plastique. Avec un contraste
entre la musique cosmique d’Hazy Montagne Mystique et les plans exploratoires
des lieux, l’œuvre déstabilise autant qu’elle agresse. Il y a toujours cette question
de la relation, qu’elle soit amoureuse ou personnelle. Clermont s’implique par bribe,
une extériorisation émotionnelle du moment présent. La matérialité provoque un
questionnement existentiel sur l’éphémère ; que reste-il de la trace des lieux qu’on
visite, des relations que l’on vit au courant de sa vie ? Son travail me fait penser à
un journal intime, qui se matérialise à travers la vidéo analogique. L’intime est subtil,
proche de l’autoportrait où le modèle apparaît par intermittence, pour rappeler
que l’on assiste à une reproduction d’un quotidien poétique et psychédélique.
Au-delà de l’esthétisme du found footage de certain plan, la vidéo se définit
comme found memories, fragments mémoriels d’une expérience passée et vécue
par l’artiste. Paradoxe du romantisme de la fleur et du poème, How Flowers Never
Became A Food Group est la matérialisation d’une émotion pure, grâce à l’insertion
ingénieuse d’images de fleurs captées par l’artiste. Avec le glitch et les effets vidéos
analogiques, Clermont fait vivre une fracture audiovisuelle, dévoilant tout autant les
multiples facettes de l’intime que les mécanismes du processus créatif. Avec play,
neige à l’écran, mauvaise lecture de la bande
magnétique, l’artiste impose un certain fatalisme
du romantisme et crée un pont intéressant
entre la fragilité de la matérialité médiatique et
celle de la stabilité de l’émotion. Nous prenons
conscience que l’œuvre est construite, et plus
précisément que tout est construction ; nous
fabriquons le matériel comme l’immatériel.
Quant aux fragments, ils se retrouvent dans les
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