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Installations  Lycée Ozenne

pas vers le tremblement du Mono no aware, de la beauté des choses passagère/s,
non vers la brièveté du haïku, mais vers le Japon en constant mouvement et dans
l’addiction du pachinko, jeu aussi prisé que le karaoké par grand nombre de Japonais.

Il s’invite dans les espaces libres en duo avec d’étranges êtres aux formes
singulièrement simples, échos de l’anime tout aussi apprécié. Le jeu appartient
aux machines à sous ornée comme des façades de flipper et tout aussi bruyant ;
le joueur achète de petites billes de métal qu’il introduit dans la machine bariolée,
sur laquelle il exerce une pression afin de provoquer leur sortie, en escomptant
qu’elles tomberont dans des trous ménagés sur la surface où elles débouchent. Si
des billes y parviennent, trois images apparaissent, si elles sont identiques, des billes
chutent en cascades bruyantes offrant d’autres parties ou à échanger contre le lot
y correspondant. Celui-ci ne doit pas être d’argent mais se cantonner à de petites
choses : chewing-gum, bonbons… règle détournée fréquemment.

Le film ne cherche pas à documenter cette
pratique ; ni la machine, ni les règles n’en
sont décrites, les billes sont jaunes et plus
grosses ; l’addiction en est dite par la parabole
de l’invasion de ces billes jaunes en tous lieux
et surtout dans le métro sans que cela affecte
le visage des Japonais croisés, dans leurs
habitudes. En effet, ce lieu supplante la salle de jeu : moyen de transport indispensable,
très fréquenté et d’une propreté immaculée. Dans le wagon, parmi les salary men qui
dorment ou pas, à côté sans se côtoyer, un personnage stylisé, kawai, plus proche
des « sans visage » de Chihiro ou d’un Totoro, sans anthropomorphisme, une forme
rose, aux grands yeux inaugure cette « mixité ».
Un plan prologue rassemble ces composants explicites ou pas de la vie tokyoïte :
le métro emprunté par de nombreuses boules rouge et blanche, des boîtes à Pokémon
qui dévalent autour d’une femme âgée qui ne s’en offusque pas.

Le réel suit – quoique toujours contaminé par le virtuel – avec le garde puisqu’aux
deux seuils de la balade audiovisuelle, puisque, en explicit, il est multiplié, cloné, coloré
diversement avant de disparaître en bulles jaunes comme d’autres figures avant lui.

Le réel est entraîné plan à plan dans ce sous-bassement : suivant la vigilance du
garde, un travelling adopte le mouvement de la rame avant d’accélérer en filage,
introduisant l’autre registre.
Les boules à Pokémon s’envolent.

Dans la rue très passante, une jeune fille attend, un homme attend… un jeune
homme au pantalon rouge avance mais avec un attaché-case. Tous sont pris dans

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