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Cinéma UGC  Projections

alors que s’exprime la peine de
devoir laisser partir, de devoir
rendre les fillettes à leurs parents.
La mère écrit, la famille d’accueil lit.

Les signes du double et de la
distinction perlent ; une robe unique
alterne avec deux vêtements aux
couleurs distinctives, de même
une seule chemise, ainsi se saisit
la différence faite dans la relation aux deux enfants, leur prénom le plus souvent
séparé, la suspension dans la lettre concernant le retour « en France », le travail
confié à Gilberte et ses progrès reconnus par une intonation de la voix off plus forte…
jusqu’aux deux balançoires d’abord ensemble sous la neige et dont au printemps –
allusion à l’accalmie aussi de la guerre ? – seule l’une bouge légèrement.

Comme se dessinent la silhouette de deux arbres en profondeur du champ, quand
deux robes sont tendues sur fond de montagne ensuite un seul arbre sans feuilles.

Le bouquet qu’une main pose sur la table de bois marquée par son usage, compte
deux fleurs belles, des tulipes angéliques rose et blanc, épanouies et plus tard plus
fermées dans le vase, dont la courbure des feuilles et des tiges est suivie lento avant
que de l’encre ne se dilue, ne se dissolve dans l’eau, celle des mots lus.

D’Anna et de Gilberte, on ne voit – et sont-ce elles ? – que la course d’une enfant,
dans l’herbe et les pieds de sa compagne de jeux ; le cadrage en exclut le visage
et ne capte que le dos ou inversement un visage souriant mais flou en connotation
de la disparition. Ce passage jusqu’à l’aniconique efface aussi les fleurs après une
goutte d’eau si précise sur le très gros plan de la corolle. La transparence des deux
robes connote ce même en-aller, comme la brume en forme de fumée au-dessus
d’un bosquet d’arbres. La nature indemne est le lit du dire en image, en un duo avec
la parole over.

Impromptu, un avion laisse une traînée blanche dans son oblique sur ciel bleu…
il ne rapporte pas une temporalité actuelle mais est pris dans le réseau des signes
de l’absence/présence alors que, teintées de nostalgie, la tonalité de la voix et les
phrases reviennent au passé

La perte paradoxalement se dit en moderato, des vêtements d’enfant plus jeune en
écho à celle qui courait, avec une peluche, apportent leur fragment à cette narration
en bribes qui emprunte aussi aux contes de ce lieu de montagne, fermée comme un
« pays ». La figure de l’enfant sans rien perdre de son côtoiement avec le réel, puisque
la mère écrit depuis l’étranger, se justifie et, d’avoir dû se séparer des enfants et, de

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