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Cinéma Le Cratère Projections
défaillances humaines ? Regard difficile à soutenir, qui voit mieux que l’homme la
part manquante du visible. Regard qui, du fait de son infirmité stratifiée, accède en
ligne directe à l’incontrôlable pulsion de mort qui œuvre quotidiennement sous les
contrats humains. Un regard de biais, capable de voir entre les strates du monde ce
qui s’y cache, qu’il ne faudrait pas regarder de face, de peur d’être aveuglé.
Le cinéaste serait ainsi celui qui, aux prises avec un regard tronqué, serait doté d’un
dispositif maladroit et latéral, capable de s’immiscer dans les interstices du monde
pour y déceler les carences du visible.
Stéphanie Katz
Mélanie Poinsignon, Garder le fil
1min | France
Garder le fil l’infinitif en mode impératif, ce qui est
à faire… Cela pourrait être le fil d’Ariane pour
trouver son issue, ce que justifierait aussi la voix
over – puisque celle qui commente en distance,
et, ainsi, porte sens – Anne Dufourmantelle – est
psychanalyste et dès lors, censée aider à dénouer
les problèmes, à aider à coudre les morceaux
épars d’en « je ».
Cependant, très simple dans sa brièveté, le film double son sens : le fil n’est pas de
couture mais peint, selon un pinceau très fin qui s’applique à le faire sans faute,
régulier et qui, quand la peinture manque, va en hors-champ, jamais visible pas
plus que le visage de celle qui le tient, reprendre sa peinture et retirer son fil. La voix
s’arrête quand le noir manque, quand le fil s’interrompt selon la formule, perdre le
fil de la conversation.
Ainsi une subtile vidéo conceptuelle sachant filer sa métaphore.
L’artiste dit : « Elle déroule comme une bande magnétique les mots de la
psychanalyste et philosophe Anne Dufourmantelle – récemment disparue. Garder
le fil cherche ce que peut être l’écriture d’une pensée. L’empreinte d’une parole –
fragile et ténue – mais qui pose sa marque et dessine finalement une voie. »
Simone Dompeyre
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