Page 177 - Catalogue-livre_Rencontres Traverse 2019_L'Expérimental-recherche-art
P. 177
Musée des Abattoirs Performances
crédit photo : Kaëlis Robert Musée des Abattoirs – FRAC Occitanie
Tales Frey, Finite Counting For Infinite Variations
20min | Portugal
Finite Counting for Infinite Variations, titre de la performance
de Tales Frey, nous délie déjà d’une contrainte, celle des
nombres, puisque dans les mathématiques, les chiffres
vont à l’infini, néanmoins la performance annonce ainsi
qu’elle multiplie les variations, que le corps du performer
ira au-delà du possible, du raisonnable ; il y annonce son
implication du corps, extrême.
Tout habillé de noir, micro à la main, l’artiste, assis, debout,
penché, couché ou en suspend change perpétuellement
de position et de socle : puisqu’il performe sur trois
parallélépipèdes blancs de taille différente. L’artiste sait
qu’il se fait écho à la performance de Bruce McLean :
Pose Work for Plitnhs de 1971, qui prenait une distance
critique avec la sculpture monumentale de Henry
Moore en se plaçant lui-même sur trois socles, devenant
une sculpture vivante.
Tales Frey défie par son constant déséquilibre le critère
primordial de la statue toujours sur socle mais comment ne pas évoquer le travail
de Gilbert et George et très précisément, leur performance The singing sculpture
(1969), où ils entonnent une chanson populaire, le corps couleur bronze juché sur
une table en guise de socle. Tales Frey, lui, préfère les nombres et commence son
comptage de 1 à… Hypnotisé par la prestance du corps, le public pourrait presque
ignorer la voix, pourtant elle est tout autant actante : c’est celle qui définit le temps
d’une variation, l’une après l’autre, la voix d’abord discrète, prend très vite espace,
à son tour, dans les mouvements avec les silences de la respiration… alors une autre
œuvre marquante de l’expérimental se rappelle à nous : 4’33” de John Cage qui
entraîne à se soucier du temps, de l’attente quand ne jouant pas comme le public
l’attendait, il laisse le silence maître et espace pour les bruits ambiants mais ici, la
voix, cependant, joue des variations prise par la fatigue, elle gagne sur le silence
alentour. Bientôt, c’est un brouillage des nombres qui, peu à peu, s’aventurent à
devenir des chiffres, mais si Tales Frey maintient toujours sa déclaration nette cela
ne peut empêcher la cacophonie alors que son corps résiste.
177