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Installations Quai des Savoirs
davantage et le lieu/non lieu choisit la 3D pour opérer ses potentialités et décliner
des formes à la limite de l’abstraction voire des passages d’énergie.
Les matériaux de construction sont lumière et ondes, panneaux transformables
en colonnes elles-mêmes transformables en volets, en constante transmutation.
Le mouvement est premier, sorte de travelling sans point d’origine ni aboutissement ;
les murs se forment, verticaux ou brisés formant des angles, si éclatants qu’ils
prennent le reflet d’un cercle-soleil. Le sol connote le sans-fond, l’eau mouvante
mais artificiellement conçue avec de grands moirages, sorte d’aluminium froissé
mouvant. Le temps n’apporte pas d’autre différence que l’obscurcissement, avant la
solarisation qui ôte différemment le refus de la solidité, de l’immuable et qui nuance
de bleu avant la perte d’iconicité de cet espace pourtant ambigu dès l’ouverture.
Les sons ne sont pas plus descriptifs, ils préfèrent la connotation de l’aigu jusqu’à
la stridence des variations, accompagnant l’émergence des signaux électriques,
du grave lors de la perte de la clarté. Ils sont en osmose dans l’écriture puisque
Roger Tellier-Craig, le compositeur sonore, participe depuis 2010, à cette création
d’espace entre-deux et à l’immersion en lui.
Sabrina Ratté y fait poésie de la défaillance électronique ; là, où le technicien voit
dysfonctionnement et chasse l’origine de la fluctuation dans les circuits, elle voit
un glitch-producteur de lumière. Puisque de/dans cet espace creusé par la 3D,
des fumerolles lumineuses s’élèvent, zigzagantes, clarté vibrante s’évaporant ou
retombent en douceur comme l’esprit du lieu, comme traces de ce qui y eut lieu,
qui aurait pu avoir été là.
Le numérique reconnaît là qu’il hérite des recherches plastiques de l’analogique,
que la vidéo déjà immatérielle était image du passage, de l’énergie ; Sabrina Ratté
en sait et en fait sa lumière.
Notre réel est tissé de lumière/s.
Pour rappel : L’artiste travaille à cette jonction réel-virtuel : L’électricité, comme
matériel brut, est sculpté, manipulé et altéré numériquement pour renaître en une
architecture vibrante et lumineuse. « Elle réalise une œuvre vidéographique et une
installation à la croisée de l’art vidéo et de l’architecture, inspirée des villes nouvelles.
Des endroits tels que les Espaces d’Abraxas, l’Axe-majeur ou la Grande Borne sont
au cœur de ses recherches. Par la création d’environnements immersifs construits à
partir de matériel généré par des instruments analogiques (le synthétiseur vidéo, les
feedback vidéos), de documentation du “réel” (photographie, enregistrement vidéo),
d’animation 3D et de sculptures architecturales, elle se penche sur les répercussions
de l’architecture dans le contexte virtuel et physique, et aborde les thèmes de l’utopie
et de la dystopie spécifiques au contexte et à l’histoire des villes nouvelles. »
Simone Dompeyre
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