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Projections isdaT
Elle compose son aventure – au sens double du genre fictionnel et de ce qui peut se
vivre dans le réel. Et en distingue des épisodes qu’elle se plaît à intituler en détournant
des « sentences » de notre culture du « être ou ne pas être » d’un Hamlet, du « je est
un autre » rimbaldien à « je pense donc je suis » cartésien de même qu’elle y inscrit
le mot « Utopie ». Cette utopie qu’elle préfère l’écrire UTOPIA, en majuscule sur
papier collé, d’emblée à l’envers, puis à l’endroit puis à la verticale et qu’elle place
derrière elle, mais en hors-cadre de sa prise de photo d’identité.
Elle y dirait le désir de ce lieu idyllique ou du moins du bonheur simple mais son
option du titre de Thomas More, qu’il composa en 1516, en rapprochant le préfixe
privatif grec οὐ/ou, de τόπος/topos, le lieu pour désigner ce lieu qui n’est nulle part,
elle, elle y lit le doute sur son accession.
Ou bien la performance est ce topos sans lieu toujours à recommencer pour « être/
je et un autre dans la pensée de sa composition. »
L’artiste dit : « Laure n’est pas un personnage de fiction mais une identité virtuelle
m’ayant réellement remplacée dans ma recherche d’emploi pendant plusieurs mois.
Laure a répondu aux offres, suivi les conseils de Pôle Emploi, passé un entretien
d’embauche, essuyé de nombreux refus… au risque de se rebeller contre sa
condition. Camouflage self-portrait retrace une performance que j’ai menée pendant
près de six mois sous forme de jeu de rôle y interrogeant le statut des identités
virtuelles et les normes qui construisent la relation entre identités personnelle et
professionnelle. »
Simone Dompeyre
Irena Jukić Pranjić, Gamer Girl
9min26 | Croatie
Les jeux vidéo sont la première phase du plan d’assistance à l’espèce
humaine […] la plus parfaite métaphore graphique de la condition
humaine.
entendu dans Sans Soleil de Chris Marker, en 1982 alors
qu’images mémorielles, noir et blanc et couleur, écrans de télévision et
publicités, plans de fiction et captations de jeux vidéos participent à un
discours filmique censé perturber l’habitude du regard du spectateur,
autant que les multiples tremblements de leurs îles y entraîneraient les
Japonais.
2016, Gamer Girl répond à cette attente décrivant l’aliénation de la femme engluée
dans son image sociale d’amante perdant tout pouvoir de séduction et l’amour en
endossant la fonction de mère (et) nourricière : une nouvelle variation de la jeune
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