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isdaT Projections

fille délicieuse que l’on dévore de baisers devenue cuisinière et sans attrait érotique.
La vidéo mimant la structure, le graphisme, l’interaction par interface de la main
du jeu vidéo s’avère un révélateur de l’image sociale du couple et de la femme. Les
icones « cœur » et autres marqueurs d’appréciation premier degré, la petite main
intrusive avec les hésitations requises pour saisir un verre à dents comme s’enfuir
et travailler dessinent combien nous sommes les conséquences des actes que nous
choisissons. « Choisissons » apparemment puisque le système social – comme les
options du jeu – réduit drastiquement ce que peut une femme fût-elle rabrouée et
éconduite par son mari.

                                                  Lily, la femme est une figure type du jeu
                                                  vidéo. La vidéo éponyme multiplie les
                                                  possibilités de vie heureuse de la jeune
                                                  Lily mais elles s’avèrent aussi clichés que
                                                  programmées et limitées. Lily tente de
                                                  lutter pour conserver l’amour de sa vie
                                                  et l’image qu’elle continue de s’en faire
                                                  quand le mari-amant devenu père la
                                                  néglige sinon l’ignore. Les variations de
                                                  cette vie suivent une stratégie des plus
simples. Simplicité des règles du jeu, simplicité de la démonstration. Les « vous
avez gagné » provoquent la saturation de l’écran du jeu, par des cœurs, les « you
are out of time » surgissent devant le patron mécontent de ses retards ou le mari
refusant désormais de l’embrasser et des larmes saturent le plan après la tentative
de s’évader de sa maison de ses enfants pleurnichards et du mari méprisant. Quant
au « play », il espère toujours gagner, à tel point que la femme se transforme en
Pac-man/homme-palet toujours de profil, réduit à un rond jaune doté d’une bouche
et glouton dévorant, devant tout annuler pour survivre y compris quatre fantômes
qui le guettent, et quitter son labyrinthe. D’autres échos d’autres jeux se glissent
outre Wonder Woman ou le visage glamour de star hollywoodienne, chargés eux de
pousser au désir d’être la plus forte et de conquérir.
En prélude, la marche nuptiale devance le plan du couple amoureux avec, ainsi que
tout au long de son histoire, les objets et signes canoniques ordonnés par la main
qui joue. Robe sexy, sous-vêtements pour la première période / costume strict de
secrétaire pour la femme active / même robe de grossesse dans l’attente de ses deux
enfants / tablier et ustensiles de cuisine et de ménage y compris la pelle pour les
crottes du chat… Déguisement de superwoman quand elle tente de concilier toutes
ses « missions » etc. Pas de paroles, des bruitages attestant de ses efforts constants.
L’histoire d’amour au début tout en sourires et gestes amoureux voire en ébauches
érotiques débouche sur la triste réalité de la femme en pantoufles, avec quelque

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