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isdaT Projections
l’aimait – ne nécessite pas d’autre personne filmant. L’artiste est autonome.
Le lieu est vide, parquet de bois, mur et porte en amorce blancs sans autre objet
distinctif, puisque Camille Käse y opte pour le minimalisme en tenue, mouvements
et y compris pour cet espace intérieur et la bande-son.
La musique en rythme binaire d’abord, répétitive sur laquelle elle se meut, est
émise par une chaîne ou une radio hors-champ puisqu’un second air plus rapide la
suit après quelques paroles, alors que le martellement de la chaussure ou sa simple
avancée sur le plancher ou tel pas plus scandé s’en détachent.
Un gros ballon entre dans le champ qu’il quitte aussitôt, avant l’artiste qui vient
du point de pose de la caméra dont l’angle ne révèle que les pieds chaussés, lacets
pendant, et le bas des jambes en chaussettes dépareillées une noire, une grise.
Son visage reste hors-champ – hormis lors d’un allongement au sol, où il s’entrevoit.
Les tatouages ne sont pas davantage expressément reconnaissables même pas le petit
visage encadré sur la cuisse. La danse sensuelle n’a pas à être reliée à la personne
civile mais au corps performatif.
Corps mince, agile, proportionné, petits seins nus ; il danse sur place, s’agenouille
en petite culotte noire ou s’avance pour s’allonger, et ce, toujours dans l’axe de la
caméra. Cela entraîne les déformations que les recherches perspectives se plaisaient
à retenir dans leurs explications, le haut du corps s’amenuise alors que les pieds
s’agrandissent. La performeuse se retourne comme pour l’attester.
Debout, sa chorégraphie se cantonne à la pliure des genoux, au tourner du pied
ainsi que le ferait une ballerine sur pointe.
La caresse y est légère, elle s’accentue en adoptant la position couchée alors le
modèle est l’érotisme léger du léger attouchement dont profitent les chaussures
souvent placées en exergue.
Le deuxième rythme entraîne une position plus connotée : de dos, à quatre pattes
avec, à nouveau, le rapetissement de haut du corps et l’exhibition des fesses en
premier plan et des semelles cloutées.
Camille aime jouer des mots, elle le fait subrepticement en saisissant son pied, en
« prenant son pied » dirait le langage du plaisir, en le posant plus loin, le droit
cachant le gauche dans la même ligne de force, parfaitement alignés.
Le principe : « Être maîtresse de ses désirs » s’est décliné tout au long, il s’affirme
encore encore quand enfilant les lacets dans les œillets du haut de la bottine, elle les
lace et… quitte l’espace ayant agi sa « mythologie personnelle ».
Simone Dompeyre
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