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Projections  isdaT

Lucía Gervasoni, Como Encendida

5min19 | France

                                                      Le « comme si elle était allumée » du
                                                      français perd la force de « encendida »
                                                      espagnol où s’entend l’incendie, le
                                                      feu, en accord plein avec la force
                                                      interne qui meut Lucía Gervasoni  :
                                                      performeuse et artiste-vidéo.
                                                      Enthousiaste, au sens grec du « dieu
                                                      en soi » qui anime, elle ne peut
                                                      rester immobile ni en place. Sans
                                                      raison autre que sa danse, en ce lieu
improbable, carré de béton dans un parc, vide au matin clair. Sans raison autre
que sa danse et la musique – éponyme puisque Como Encendida est le titre de l’œuvre
pour guitare électrique d’Arturo Gervasoni. Chorégraphie, corps, mouvement de la
caméra adhèrent à la force de cette pièce musicale où la guitare devient percussion
comme cette musique correspond au projet d’exaltation des ressources corporelles.
En incipit, la performeuse s’impose droite, centrale, en robe de satin brillant courte
et de bottines noires à semelles de crêpe, inattendues avec ce vêtement ; premier
désir de décalage. Un plan rapproché épaule de face décrit la détermination de son
regard qui va au-delà du lieu-là et sa respiration. Débute le tournoiement d’abord
léger, quasi imperceptible du visage, déclencheur de celui général du corps vite plus
rude, du haut vers le bas, tête, épaules, buste, taille, jambes s’agitent de plus en plus
violemment sur des stridences acoustiques.
Le corps virulent tourne sur lui-même. Lucía Gervasoni change de respiration et de
rythme alors que le taper de la guitare prise comme percussion, qui, parfois laisse
la main courir sur les cordes comme on le ferait sur un piano ou prendre tel point
de corde, l’emporte. La circularité chorégraphique prend un autre registre. Elle se
penche en avant, en arrière, y compris au sol, ou elle saute sur place ou plus loin
puis varie encore, optant pour le déhanchement qui l’entraîne parfois aux limites
du champ. Elle s’y évertue, bras dressés quand un zoom avant revient à son visage
et qu’elle se prend la gorge, la tête, la poitrine, le visage sur fin de la musique.
Como Encendida/Comme en feu ou le portrait en acte d’une performeuse, le portrait de
la performance qui est pour être-là, auto-référentielle.

                                                                   Simone Dompeyre

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