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Cinéma Le Cratère  Projections

torrent fluide et constant, des vallées sacrées de l’Himalaya, le Beyul qui explique
le titre. Le téléphone ainsi qu’une fenêtre s’ouvrirait sur le monde réel en dernier
avatar du cadrage du Quattrocento si ce n’est que l’objectivisation de la nature, sa
différenciation ne s’avèrent que faussement puisque tout est de l’ordre du calcul,
« lui » comme le lieu. Plus encore, les deux modes du numérique se lient lui de
synthèse composé, le torrent numérisé, tous deux computationnels et langagiers et
non plus traces. « Lui », cependant, adopte une fonction dialogique, une fonction
de convocation ce qui devrait l’entraîner à se détacher de cette quasi hypnose devant
cet inconnu qu’il découvre par le maniement informatique alors qu’il assimile à du
hors de « lui » et à une présence efficiente. La « numéricité » atteint un coefficient
de crédibilité voire de réalité qui fait obstacle à la reconnaissance de sa spécificité et,
inversement, au contentement si elle ne s’apparente pas au monde tel qu’il le voit.

                                                                   Simone Dompeyre

Kimura Byol-Nathalie Lemoine, 2x50=100

1min40 | Canada, GIV

                                            2x50=100 qui ne connaîtrait pas le travail
                                            de Kimura Byol-Nathalie Lemoine pourrait
                                            s’étonner de voir poser une multiplication si
                                            simple, en titre or elle s’y inscrit dans la série
                                            des « 100 » récurrents ; 100 c’est la blancheur
                                            en coréen et l’enfant Kimura japonais-coréen
                                            se pensait blanc comme Japonais et la femme
                                            Nathalie créa une vidéo aux 100 ans de sa
                                            grand-mère ; elle-même atteint bientôt ses 50
ans que le titre multiplie par deux pour répondre au « bon » nombre… Et cette
vidéo affirme avoir atteint la bonheur « la vie est agréable ».
Sur le très gros plan d’œil ou de regard, à la paupière asiatique, cerné de rides, le
plus souvent blanchi par solarisation ou « applique » numérique de traces blanches,
s’égrènent des dates biographiques de l’artiste. De simples dates et formules concises
parfois réduites à un mot de nationalité ou mentionnant voyage et retour aux pays
expriment comme il/elle a dû se réinventer. Coréenne d’origine, belge d’adoption,
devenue montréalaise elle est de trans-pays mais aussi de transidentité : son nom
double l’atteste et transgenre  : « trans/ 2/ female, queer » est la formule qu’elle
préfère ainsi invente-t-elle sa nationalité en un mot-valise l’unissant au Canada :
« Quanadienne ». Et le passage du flou au net confirme son passage d’« état de
fantôme » à « vie à nouveau » et cela dans l’efficacité de 100 secondes.

                                                                   Simone Dompeyre

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