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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 33
Plan de Campagne la plus grande zone commerciale de France, ici sinistrée, et atteint une plaine abstraite
plongée dans l’obscurité, après avoir traversé un paysage dont les arbres s’apparentent à des sculptures
contemporaines. Le mode de déplacement varie entre la voiture, la soucoupe volante ou encore le drone.
Le temps est la reconstitution du matin au soir.
Des voix de synthèse - par ailleurs utilisées par les GPS ou les logiciels conçus pour les malvoyants - sont
pensées comme des voix de prothèse et questionnent ainsi le langage dans ses effets d’autorité, de
défaillance, d’humour. Perturbés par des glitchs ou bugs de collision venus des jeux vidéo, les dialogues
fnissent par tourner à vide. La bande sonore, composée par Sébastien Castan, emprunte les codes du
cinéma grand public où l’arrangement opère comme un liant soulignant les déplacements, les glissements
y compris ceux du discours, du sens. Fil conducteur. Liaison. Structure. Quelque chose s’échappe. La
musique sur mesure, composée sur mesure. Glissements musicaux. Entre l’idée de sérieux et l’ironie.
Numérique et esthétique relationnelle. J’ai imaginé Légende comme un voyage. Déjà vu, étrange sous
l’habituel. A l’intérieur d’un bug. Perte de sens et de repères, démarche plastique du détournement.
Aurélie DUBOIS, The Corridors, 12 : 00 min., Fr.
Les Corridors dont le pluriel connote de nombreux passages qui
conduisent vers…. s’ouvre sur des escaliers soudain immergés, des
chambres aux tiroirs de commodes débordant, des salons aux
canapés sous des tapisseries mille feurs avec animaux étranges,
des champs aux monuments faits de carrés de paille superposés,
des églises jusqu’au confessionnal …
Les étapes en sont mentionnées par des cartons annonçant des
pièces dites bleue, verte, grise sans que les murs abîmés soient ainsi peints, amorçant le jardin mais aussi
« eau bénite », « repentir » ou « pleine conscience »… le lieu est aussi celui de la pensée, des sentiments,
lieux intérieurs. Et malgré l’itinéraire, le point fnal est le point de départ, la même amorce dans l’escalier
avec la même personne, impassible puis faisant la même mimique de tirer la langue.
Le grain de l’image, ou l’éblouissement par le rayon du soleil, ou le léger fou d’un très gros plan attestent
l’usage d’un matériel simple, une caméra grand public mais il répond pertinemment à un objet artistique
très personnel, il glane d’autres images : divers tableaux accrochés, la tapisserie, un dessin-autoportrait
sur une table, tel refet dans le miroir, des paysages intérieurs, la maison et l’église dans la pénombre
trouée d’éclats blancs et extérieurs dans le soleil éblouissant et ce, en adoptant la déambulation d’une
étrange personne désignée par le générique comme Human Behavior/Comportement humain quoique
dénommée Huu Nghia Tran. Personne que les amoureux du travail photographique de la réalisatrice
reconnaissent mais qui ici, sans paroles, chaussée de sandalettes à lanières dorées, en slip à feurs étroit,
bâillant à l’entre-jambes, traverse les espaces, s’étire, saute, fait d’étranges moulinets avec les bras, monte
sur la table, court à travers les arbres, nage, tente de s’élever, qui en communiante s’agenouille au confessionnal
ou frôle des monuments de foin dans les champs, qui, en robe légère jaune à plis, tourbillonne dans le
verger en une étrange danse.
Etrange occupation de l’espace dont le ralenti dans la montée, la descente des marches et autres
déplacements, parfois à l’envers, à reculons, surenchérissent le décalage en perturbant aussi le temps
qui revient sur lui-même, détache des moments par des fashes blancs, ou alterne, lors du retour à la
maison, les plans couleurs à des plans surexposés ou teintés en très léger sépia. Le temps échappe à
la mesure sociale. Loin de tout canon esthétique, le corps malingre aussi s’en évade dans son étrange
chorégraphie de vie, visage le plus souvent impassible parfois souriant, riant en pleurs, ou pleurant en
rires, le regard vide parfois adressé, les cheveux fottants… ou caressés.
- 3. L’isdaT -