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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 37



spécialisé, en robe pour l’une et jeans, tee-shirt pour l’autre, vêtements banals en Occident. Debout,
assises à une table, elles font les gestes de l’écrit, de la peinture, du modelage et du simple tracé de
lignes superposées, bases élémentaires des arts...La vidéo décrit le danger en réitérant dans le champ
de l’une et de l’autre, une main, gantée de noir qui tente et tente encore d’empêcher d’écrire en enlevant
le stylo aussitôt retrouvé dans la main de Parya qui l’utilise et accélère, qui tente et tente encore d’obliger
à une manière de sculpture en tendant un ciseau de fer alors que Laurie préfère modeler la glaise de
ses mains et fait tomber l’outil. Le protocole est simple pour la meilleure des approches, sans paroles, en
gestes pour nous du quotidien… mais qui, ailleurs, sont passibles d’emprisonnement voire de mort. Le
noir et blanc concourt à la précision du dire vidéographique. Comme seule musique, se fredonne l’air
d’une comptine ainsi le bruit de l’outil rejeté et surtout les paroles de résistance fnales se détachent.
Cette empêcheuse de créer perturbe les tracés de peinture pour l’une alors que l’autre se plaisant à dépasser
le support qu’on veut lui imposer, continue son tracé sur le mur. Cet opus n’est pas un art poétique qui
défendrait tel ou tel mouvement ou tel style, le paire ou l’impair en poésie, le pointillisme ou le nouveau
réalisme ou… mais il défend le fait de créer, ainsi ce sont de grands tracés de noir et blanc sur la toile, ainsi
ne se déchiffre pas de texte, ainsi le tracé sur le papier au mur est-il long, court, plus ou moins épais et le
modelage ne parvient-il pas à une forme particulière. En effet, l’interdiction concerne le quotidien. Elle vise
à empêcher l’Occidentale de lever le poing, de faire le signe de sa révolte, de militer. Elle veut l’obligation du
voile pour la femme d’Iran. Le champ double décrit la perturbation du geste de l’une et le mouvement
pour mettre et enlever aussitôt un foulard noir, que la jeune femme fait comme obligée, elle enlève,
rejette ce tissu, excédée jusqu’à ce qu’un voile occulte le champ, perdant la femme, rendant invisible
son visage, son être et toute image. Le flm est métaphore de cette menace et dans le silence iconique
du champ noir de fn, des voix déroulent un texte, en iranien et en français : leur voix et l’appel que Laurie
a rédigé en réaction aux attentats du 7 janvier 2015 à Paris. Texte qu’elle a photographié pour exposition ;
elle/il appelle à lutter pour « une liberté totale de création, de réception, contre l’obscurantisme mais aussi
la « bienséance à la complaisance, aussi sournoises qu’indignes ». Ce texte se lance pour que nous l’enten-
dions et réagissions, il s’entend conatif. Créer comme être. Créer pour être. Simone D.

Etienne KAWCZAK-WIRZ, Les Tombeaux, 6 : 32 min., Tlse.
Le grand écart des genres et des médiums, puisque l’hommage pos-
thume à Cage et à Deleuze, affectif mais quelque peu distancié, se
fait numériquement l’écho des éloges funèbres adressées au pair ou
au puissant - roi, reine - qui vient de mourir. Genre parmi les genres,
le tombeau déclinait la fonction de l’épitaphe - littéralement « sur » le
« tombeau » - cette inscription funéraire, gravée sur la pierre tombale dans ses débuts antiques. En recueil
collectif, cependant, les tombeaux s’avéraient aussi lieu d’émulation créative, preuve de savoir. Ainsi l’écriture
numérique, la vidéo hybride suivent-elles, en ce nouveau Tombeau(x) le retour du genre, renaissant dès la fn
du XIX ème et relancé poétiquement au XX ème par Pichette, Deguy... Le tombeau comme lieu d’inhumation
s’impose, simple mince parallélépipède entouré de trois stèles semblables, gris écho du lieu funéraire
mais hors de tout réalisme ; l’idée est première. Hors d’un temps et d’un sol particulier, le tombeau
s’élève. L’humour s’y invite quand la pierre susceptible de recevoir identité, dates de la mort et épitaphe,
devient écran couleur pour Cage avant Deleuze, par ordre alphabétique inversant les deux majuscules du
prologue : DC / décès ? Un clavecin revu par l’électronique s’emballe, prémices des perturbations iconiques.
Des écrans multiples ôtent le sérieux du propos, lui-même déjà perturbé par sa réduction en fragments de
phrase et sa répétition débutant sur « the sound is acting » ; postulat que seuls les connaisseurs sauront
- 3. L’isdaT -
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