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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 41


Bjorn MELHUS, Freedom and Independence, 15 : 00 min., Alle., AOM
Freedom and Independence de Bjorn Melhus nous entraîne vers les
confns de l’idéologie dominante. De la chambre d’hôtel aux aires de
ftness en plein air, en passant par les tours de bureaux et appartements
si souvent associées au succès de villes cosmopolites, plateformes
d’échanges et de commerce, Melhus s’y dédouble, jouant tour à tour
tous les personnages qui les habitent et s’y promènent. Il ouvre les portes d’un monde où chacun a le même
visage que l’autre et où tous parlent en voix « standardisée ». Deux s’en détachent censés représenter la
liberté et l’indépendance alors qu’ils décrivent des signes avant-coureurs de l’apocalypse ou l’arrivée
du Messie. Cependant vêtus de combinaisons de cyclistes de deux couleurs, coiffés de leur casque et
gourde à la main, ils guident dans une ville vide et pratiquent le sport sur des machines installées en
plein air où ils se sont transportés, transformés en boules de couleur.
Outre ces deux hommes, une Piéta verse ses pleurs, dans un sanctuaire sans religion précise et une
fgure en longue robe noire vient à elle. Ce jeu si subtil avec l’iconographie que nous reconnaissons
sans vraiment la reconnaître puisqu’elle n’est qu’évoquée, dessinée, nous renvoie à la genèse de notre
société actuelle. Le soupçon concerne les étranges conceptions de liberté et d’indépendance répétées,
remontrées dans tous les flms, les publicités, l’iconographie. Cependant, sans donner de réponse, le
flm introduit un gardien/policier qui pose lui-même une question, avec l’accent américain mais dont le
corps et la bouche qui articule ces mots sont ceux de Bjorn Melhus. « Quelle est l’atmosphère culturelle
de notre temps ? » avant de commenter « le confit de notre ère n’est pas seulement politique et économique
mais aussi moral et philosophique ». Cette assertion inattendue dans ces espaces est suivie de plans
de tours d’appartement alternés à d’autres d’une morgue où une leçon de liberté est donnée à des
moribonds qui s’en relèvent. La femme en noir, sévère avec la vierge, désormais armée d’une cravache,
scande la « théorie de la liberté » après avoir averti du danger de la religion.
Ressuscités, les corps dansent lourdement, entraînés par l’un au visage de Bjorn avec pustules mais sous
les accents de la comédie musicale ou du clip, ce qui ôte toute atmosphère dramatique et renouvelle
l’humour des plus particuliers de cette vidéo. Celle-ci provoque notre réveil sur ce qui peut advenir de
notre monde si nous succombons aux slogans et à la non-pensée mais refusant la notion même de
vérité au singulier et avec majuscule, elle lance un duo sans fn entre les haut-parleurs qui envoient un
appel à réagir « We have a choice » et la fgure aux multiples rôles ouvre « We don’t »… l’ironie nous
ouvrant le chemin de la réfexion et de la décision personnelle que la première induira. Ariane Loze


Fran ORALLO, Secuencias, 8 : 35 min., Esp.
Secuencias expérimente l’image, très précisément l’autoportrait en
une série de quatre vidéos en boucle de deux minutes chacune.
Concevant mes vidéos comme des performances technologiques
impossibles à réaliser dans la réalité, je mène diverses actions qui
entraînent la modifcation du sentiment de réalité. Par ailleurs, la
notion de disparition est une constante de mon travail. En deux écrans interdépendants, se succèdent
des gestes assez simples puisque sur le premier, je fais disparaître et apparaître mon visage à travers
et sous mes mains alors que le second inclut une personne qui, simultanément, adresse son regard en
effet hors-cadre et décrit la même déformée… j’y exprime le paradoxe de l’observateur exhibitionniste.
Pour la version suivante, ma tête enfe comme un globe en écho à l’absurde avant que mon visage ne
se télé-transporte d’écran en écran. L’ensemble compose un autoportrait performatif, métaphore de
la perception altérée de la réalité et de soi.
- 3. L’isdaT -
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