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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 45
Violaine HIGOLIN, Empire, 3 : 35 min., Fr.
Adoptant le canon d’une allégorie de la gloire, Empire joue
sur les rapports d’élévation et de basculement. Prestigieuse et
périlleuse à la fois, cette posture proclame ainsi le mythe mais
aussi son déclin. Mêlant symbole et culture populaire, Empire
questionne l’aspiration à la grandeur. Le trophée et la chaîne
en or, emblèmes d’accomplissement et de dignité, s’exhibent
également en tant qu’objets phares de la culture bling bling,
style excessif et ostentatoire. Quel sens accorder à cette appro-
priation de codes de puissance qui renvoient aux phénomènes
de gloire auto-proclamée, très répandu dans l’univers hip hop comme au sein de la culture queer ?
Une manière de se revendiquer, de s’affrmer et de se faire une place ; une sorte de revanche sur les
codes sociétaux traditionnels qui n’accordent pas de valeur à ces sous-cultures. Empire met en jeu ce
phénomène soumis aux aléas de sa considération propre, l’estime de soi oscillant sans cesse, pris dans
un va-et-vient entre soi et le monde, entre norme et affranchissement. Cependant, cette revendication
reste ici fragile et soumise au doute ; il n’y s’agit pas de vanité, mais plutôt d’empowermen / autonomisation
- sorte d’émancipation, de renforcement ou acquisition du pouvoir.
Ariane LOZE, Subordination môwn (movies on my own), 7 : 00 min.,
Belg.
Depuis 2008, Ariane Loze, dédie son travail vidéo à la prospective des
mécanismes de la narration. La série MÔWN (Movies on my own) se
fonde sur l’utilisation du langage de la performance publique dans le
cadre de contraintes dictées par un autre moyen d’expression, le flm.
Cette confrontation des médias entraîne à questionner notre approche
de la fction. En réduisant les moyens nécessaires à la réalisation d’un flm, à un minimum une actrice et
une caméra, et en rendant le tournage public, elle rend la perception des outils dramaturgiques de la
narration d’une séquence fctionnelle beaucoup plus évidents. Le spectateur les perçoit, il entre dans
le processus narratif, s’y projette en construisant ses propres représentations des séquences possibles
et de leurs signifcations potentielles. Projeté plus tard, le résultat du tournage le confronte à ce qu’il
a imaginé et le renvoie à la pertinence de ses hypothèses narratives.
Cette variation de Subordination a été créée dans l’ancienne centrale électrique Krafwerk Mitte sur l’invitation
du Medienwerkstatt Berlin pour la foire d’art Berliner Liste en septembre 2015. Elle reconnaît les étranges
relations de domination qui opposent des aspects de notre personnalité et composent le « je » que chaque
être humain fabrique consciencieusement. Ariane y tient tous les rôles celui de la jeune femme rudoyée
par le biais de courants électriques que, sous les ordres de leur chef cynique, lui envoie sans retenue,
une employée tournant des boutons d’une machine, ce qu’une autre a plus de mal à faire. La cruauté
de l’expérience est cependant amadouée par les costumes endossés par les quatre femmes et les
différenciant et les mimiques quelque peu appuyées de chacune d’elles. Robe sac futuriste, argentée
pour la victime qui chute, salopette bleue de travail pour l’opératrice… étrange robe avec « carottes »
appliquées comme autant de broches pour la patronne, au sourire de triomphe mais aux gestes de
garnements imitant ce que l’on ferait pour pincer son copain de bagarre. Si Ariane Loze s’y souvient
de cette terrible expérience de psychologie cherchant à évaluer jusqu’où entraînent l’obéissance et la
cruauté, elle s’en distancie absolument. Cependant, l’usine reste un lieu à découvrir et le regard d’Ariane
réalisatrice prouve un point de vue sans défaut. Ariane Loze et Simone D.
- 3’. L’isdaT / Decazeville -