Page 47 - catalogue_2016
P. 47


Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 47


Siegfried BREGER, Catleyas, 7 : 09 min., Fr., CJC
Catleyas ou un flm-poème au plus près des battements d’un cœur. Il
suit la lignée des amours fuyantes quand le mot-titre est un sésame des
arcanes proustiennes : Swann, amant malheureux d’Odette, après avoir
approché de si près sa poitrine sous le prétexte ! d’humer le parfum
du catleya / orchidée qui l’orne, prononce, dès lors, son désir ou son
non désir par « faire ou ne pas faire catleyas ». Si le déclencheur n’a pas suff, sa suite, avec l’esperluette
« la petite phrase » ôte l’ambiguïté en mentionnant « la petite phrase de Vinteuil ». Partition pour violon
et piano, inventée d’un compositeur inventé qui éveille « ces parties de l’âme de Swann où la petite
phrase avait effacé le souci des intérêts matériels, les considérations humaines et valables pour tous,
elle les avait laissées vacantes et en blanc, et il était libre d’y inscrire le nom d’Odette ». Un Amour de
Swann. La bande son de Catleyas, elle, puise à deux sources, très brièvement au Beau Serge de Chabrol
et tout au long, à un chant lié à Oysyanki / le Bruant, diffusé en France sous le titre du Dernier Voyage
de Tanya de Fedorchenko. La phrase du premier, par deux fois, « je crois qu’il faudrait que tu l’évites »,
le chant plaintif en russe qui psalmodie des paroles du roman-origine du flm, ramènent à l’amour fou
et aux senteurs liées, indispensables pour la vie. « Si on oublie l’amour que reste-t-il ? ». Les paroles
russes méritent le sous-titrage car en métaflm, elles commentent ce que l’image fait : « l’impossible
à décrire ». Le gros plan d’un visage féminin aux longs cheveux, qui par surimpression, fou, perd sa
fonction de portrait d’une femme pour inviter à n’en retenir que « l’indiscernable ». S’y discernent,
cependant, les « motifs » amoureux : le sourire léger, la moue esquissant le baiser : la femme désirée
mais jamais arrêtée, « l’essence mystérieuse » proustienne. Simone D.

Julie CHAFFORT, La Barque silencieuse, 32 : 05 min., Fr.
La Barque silencieuse ou comment une résidence dans un
village ne perd rien de la marque si personnelle de l’artiste
en quête de l’autre.
Julie Chaffort déroute par l’évidence absolue de ce qu’elle
compose : sous l’angle de vue qui sait intégrer la branche
en oblique et les échelonnements des arbres, qui retient
l’eau et ses légers clapotements, qui rassemble les diverses
nuances de la campagne et de la forêt, du ciel et de l’eau, les
lieux imposent leur force esthétique. Un champ de brume
en leitmotiv scande les tableaux de musique orchestrale ou chantée ou ceux de mouvements des corps
dansant ou luttant. Elle ne réduit pas ces lieux en un fonds théâtral où se mouvraient des corps, mais les fait
la maison de corps inespérés. Sur une barque, un homme écoute un opéra sur son Tepaz, le même, plus
tard, est accompagné par un soubassophoniste ; sur une autre embarcation, cinq choristes entonnent le
Dio Vi Salve Regina ; plus nombreux, sous les grands arbres, ce sera du Mozart car la musique règne,
préoccupation première. Jusqu’aux chevaux à prouver cette « réceptibilité », ils se font immobiles au
plus près des chanteurs, ils sont attention. Julie Chaffort observe, écoute en chercheuse, cette implication,
cette conquête simple de soi en une activité choisie. Elle l’avait réussi à la Châtaigneraie en Vendée
avec douze personnes de tout âge, en valorisant leur passion. Elle le fait dans le Lot-et-Garonne à
Monfanquin où l’on chante en chorale ou en solo, où on pratique la boxe, où l’on danse et où on
murmure à l’oreille des chevaux. Ce qui meut Julie Chaffort, s’avère la potentialité de chacun à suivre
son désir, à être et pourquoi pas à être heureux dans sa propre démesure calculée à l’aulne de ce lieu.
Cependant, rien d’un projet de vérité documentariste, aucun projet de syndicat d’initiative, la localisation
- 4. Le Musée des Abattoirs -
   42   43   44   45   46   47   48   49   50   51   52