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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 51


Carlos MARTINEZ, Pieza Atonal Disonante, 5 : 00 min., Esp.
Pièce minimale, un corps, un lieu, une chaise, un tourne-disques, une robe.
Pièce atonale, refus de la codifcation qui régit le système, renversement
de la gamme et de ses accords. Pièce dissonante, hors des critères si
ancrés qu’ils paraissent naturels, discordant de l’ensemble organisé.
Pièce atonale dissonante c’est aussi lui-elle, le corps flmé dans une
pièce aux murs de couleur de drapeau : jaune, rouge, noir ; ce corps
irrégulier selon l’hétérosexualité et la différence en deux sexes homme
ou femme, femme ou homme, qui porte des seins et un pénis.
Pas de paroles, autre que les mots du titre devant lesquels elle-lui s’avance d’emblée, pour la proximité
avec la formulation. La revendication de reconnaissance de l’autre-autre se passe de discours oral ;
la présence, l’attestation suffsent. Il vient, occupe la chaise, la laisse vide ; il enfle une robe à feurs,
jusqu’aux hanches, pose l’aiguille sur le disque et ébauche une danse. Sa gestuelle est timide, quelque
peu désemparée… il tarde à adresser son regard en effet de hors cadre, mais y revient. Le plan rapproche
épaule, le plan moyen ont beau varier, il est là, il revient et l’ensoleillement envahit la salle pour un
fondu inhabituel au jaune, réitéré. Le montage rejoint le projet d’atonalité partagé par le sujet au double
sens de la thématique et de l’humain flmé. Montage rapide ou fondus colorés déconstruisent un sage
constat médical. Ainsi que la musique atonale, la vidéo émancipe le corps autre, celui qu’elle qualife
de dissonant et lui donne la place dans la sonorité sociale. Simone D.


Albert MERINO, El Gran Arsénico, 10 : 00 min., Esp.
El Gran Arsénico se peuple tout au long d’êtres monstrueux,
hommes et femmes obligés de marcher à quatre pattes parce
que se dresse en place des fesses, un autre tronc ; êtres com-
posés de quatre troncs réunis à la taille ; femme rouge à trois
cornes mouvantes et berçant, ainsi qu’elle le ferait d’un bébé,
un paquet entouré de linges rouges ; femme à tête de cheval
et bras ensanglantés marchant en pas coulés, femme à tête
de chien fouettant deux corps à roues de pierre afn qu’ils
avancent, élevant une énorme pastèque elle-même bientôt
munie de pattes de tourteaux ; centaure observateur ou poussant d’un bâton les pattes de crustacés …
autant de variations dignes des Tentation de Saint-Antoine, thème récurrent des peintures des XV ème et XVI ème
siècles, censées rappeler les dangers de la chair, censées exhiber la véritable image des êtres dépravés et
appeler la protection d’un Saint Antoine, contre la folie, les désordres mentaux alors considérés comme
autant de manifestations diaboliques. De Bosch, l’héritage de la concentration des motifs, la tératologie
et ses inventions de corps impossibles truffés d’allusions sexuelles, les architectures en bulbes et autres
excroissances ; du peintre famand Peter Huys, la proximité des morphologies fantasques et le rapport
au corps sexué ainsi que ces volatiles aux ailes si légères…
Albert Merino transforme certains des motifs : les « oiseaux » reçoivent le corps de langoustes rouges, l’œuf
lu pour certains comme le creuset du Grand Œuvre ou objet de messe noire, devient la grosse pastèque/
crustacé, qui laisse autour des lèvres de la dernière offciante, des stries mouvantes… L’entassement qui
gêne les rues est celui d’hélices ou de bougeoirs tombés du ciel. Sans motivation explicite, des hommes
en costume renaissance portent un pot d’olivier, sur le pavé puis en barque ; en barque voisine, deux
autres caressent un corps nu penché… la vache gagne des tétons par centaines d’où coulent des rigoles
de liquide lapées par les humains déformés.
- 4. Le Musée des Abattoirs -
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