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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 52

Albert Merino se souvient du genre de peinture sacrée avec des processions de « prêtresses » voilées de
blanc jusques aux pieds mais c’est la même clonée qui traverse en diagonales ainsi multipliée la place ;
des offciants en bure et au bec pointu - encore Bosch revisité - déflent ainsi que d’autres femmes du nez
desquelles pend un étrange utricule rouge. Il sait les faunes et fore et nature que ces œuvres inventaient et
pour exemple, perturbe les plans d’eaux de geysers inappropriés. Il renchérit sur les désordres des corps
les accrochant aux voûtes de pierres, enfermés dans des flets ou en mêlant squelettes et « prêtresses ».
Il mêle ainsi les archives de l’humanité qui en disent les déboires et les travers et la crainte du déformé,
à ses propres métaphores souvent liées aux crustacés qui peuvent devenir le don tendu bénéfciant du
gros plan. Il les inscrit dans la ville qu’il arpente, mais très précisément dans les édifces médiévaux avec
plafonds en arcs ogivaux… gardant dans leurs pores de pierre, la mémoire des actions des hommes. Il
conduit à la trace des œuvres, comme manières de répondre aux récurrentes guerres et pestes meurtrières ;
son cheminement prouve que nous en restons les enfants et que l’image de l’homme métamorphosé
garde sa force de fascination puisque du corps et du désir, il s’agit. Simone D.

Payam MOFIDI, Cohesive Disorder 3, 7 : 37 min., Serbie, CJC
La vidéo intrigue en total accord avec ce qu’elle promet : Cohesive
Disorder/Un trouble cohésif, un désordre qui fait ordre. Le contre-
point de la Sonate K23 de Mozart, adagio mélancolique et doux
avec un point d’élancement, participe à ce qui réclame d’être
lu comme une métaphore de la condition humaine asservie par
des codes, par l’idéologie dominante. Un homme au corps
volontairement détouré se tient debout dans un pré aux herbes
hautes ; dans le ciel ce qui paraît d’abord un étrange pictogramme s’avère, des mains tendant un torchon
à carreaux qu’elles tordent afn d’en extraire du sang. Elles en aveuglent l’homme qui commence un
colin-maillard tout aussi incongru puisqu’il est seul, sans compagnon de jeu. Il entre, sort du champ,
s’enfonce dans les arbres, se rapprochent des bois. Le plan fxe inscrit sa déambulation hasardeuse. Le
linge domestique censé avoir la fonction utile, sans danger la dénie voire la renverse. Les mains protectrices
sont aliénantes. Les deux réunies en perturbant le sens d’orientation de l’humain, lui enlèvent tout
sens, le dépossèdent de sa vision de ce qu’il fait. Simone D.

Simon REITH, Max et Damien, 4 : 19 min., Fr., CJC
Rien n’augure du propos de cette vidéo qui fait mine de jouer
avec les codes narratifs et les gife brutalement en éprouvant
une écriture expérimentale. D’entrée sur fond noir, en surcadrage,
se succèdent deux visages qui pourraient venir d’un Magritte,
visage caché sous un tissu habilement tordu et d’un Picasso
revisité par le pointillisme pour une tête de taureau multicolore.
Les prénoms sont ceux de deux copains qui reviennent sur une
épreuve traumatisante de leur adolescence or il s’avère que l’un est mort et parle depuis un autre lieu que
le vivant. L’échange débouche sur le retour du jour où l’enfant est mort sous le déversement d’acide par
un inconnu, alors qu’il était au manège. Cette explication est minutée : les quatre minutes de la vidéo
et datée, ce qui emmêle effets de réel et durée flmique, et amorce l’intégration de plans censés corres-
pondre au crime, à la suite des mots qui en parlent. Simon Rieth ne succombe pas aux effets faciles des
flms de revenants. Il sufft du refus d’y croire pour l’un : « tu ne peux être là », de la demande de l’autre :
« j’ai besoin de toi ». Surimpression de branches sur un plan de piscine, visage sous les branches, objet
- 4. Le Musée des Abattoirs -
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