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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 54
Valentine SIBONI, See the sea of unreachability,
10 : 30 min., Belg.
La « RuckenFigur », littéralement « la figure de dos » est un
motif des plus fréquents dans l’œuvre de C.D.Friedrich. Ce
peintre inclut dans le paysage, le spectateur de celui-ci,
ainsi l’image témoignerait de l’impossibilité romantique de
représenter le monde. Jamais dans le travail de Valentine
Siboni, une référence n’est de l’ordre du vernis culturel
car elle est portée par un projet plasticien de sens
artistique. See the Sea of unreachability réitère son
implication du conceptuel dans l’esthétique en une
claire compréhension du non-sens qu’il y a à séparer le signifant de son signifé, le propos étant formé
par l’œuvre. Le titre embarque en ajoutant le jeu de l’homophonie au terme en anglais, jusque-là réservé
au domaine informatique, que le français traduit par l’inaccessibilité. Celle de saisir les deux côtés de
l’horizon.
Elle choisit le maître de l’inclusion du regardeur dans le champ de la peinture, Friedrich qui comprit
que n’existe de paysage que vu par… mais, dans ses variations virtuoses, Valentine Siboni fait danser
plans de flms, photographies et tableaux selon un processus proche du folioscope dont une main de
synthèse détache paradoxalement image par image. Par là, elle rappelle le statut d’image y compris
celles qu’elle réalise elle-même pour ce rappel ; ainsi tel plan de paysage de campagne se réduit, perd
de sa saturation du champ en un passage exhibé à la numérisation, sa réduction de format et l’écho
de son usage écranique.
Paysage de divers médiums et artistes outre plusieurs Friedrich, un Dali, un Munch, Dücker, peintures
et une gravure, de nombreux flms aussi différents que Jane Eyre de Fukunaja, le Rebecca d’Hitchcock,
Nosferatu de Herzog mais d’autres encore Maddin, Stevens tous en cartes postales. Les paysages flmés
reprennent ou non ceux ainsi cités : Etretat ou la falaise de craie blanche de Rügen, la Suède et Copenhague.
Un pont numérique sur une mer de synthèse mène de l’un à l’autre, dans les seuils initial et fnal et avant
le second « monologue » annoncé par titrage interne, puisque le flm interroge aussi l’image calculée,
mais un magma de non formes mouvantes n’y répond pas davantage à la vision simultanée des deux
pôles, alors que la parole s’entend étouffée, elle aussi par le transfert numérique.
Cependant paysages enchâssés ou flmés, chacun intègre un regardeur, son horizon est toujours déjà
attribué à ce regardeur désormais partie intégrante de ce qu’il voit. Ceux intégrée au flm enchâssant,
répondent en dialogue ou provoquent des commentaires : « l’horizon est une image toujours vide constamment
remplie par toi et moi »/« obstacle prêt à être avalé par cet espace cadré ». Ces voix y voguent sur la
réfexion poético-scientifque induite par les questions du « Néophyte ». De même en graphie manus-
crite ou non, s’en réitère le discours : « image fait image fait image »… ou défnition du paysage et de
l’horizon : « Le paysage est le réel cadré de celui qui le contemple / L’horizon est l’œil du paysage ».
S’il en est exclu, c’est la machine qui y supplée : une caméra super 8 face à un écran, écran surencadré
dans le champ d’une mer, avant qu’il ne devienne paysage grâce à un travelling avant qui agrandit le
plan de mer. Il répond au travelling arrière qui avait découvert cet écran. Le mode de faire l’image est
intégré à la question de ses « compétences ».
Si la question anime Valentine Siboni, elle est mue, aussi, par le désir, toujours déjà recommencé, de
l’image en mouvement, et celui-ci revient à animer cette image fgée en carte postale de Rebecca, et
la jeune femme devant la mer, se tourne et revient à la mer, se tourne et…Simone D.
- 4. Le Musée des Abattoirs -