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Vidéo Traverse Vidéo 2016 - L’atypique trouble 56


Karine PORTAL, Vulnérables, 0 : 30 min..., Fr.
Vulnérables la recherche de l’infme que Karine Portal décline
en brefs instants de 30 secondes, porte une telle leçon du voir,
un tel attachement aux petits mouvements, petits riens, petits
faits mouvants du quotidien qu’elle nous a engagés à les glisser
en scansion dans la programmation.
Le protocole de ce parti-pris des choses se réserve le plan
fxe, le non sonore pour que l’on voie enfn l’élément infme,
le plus à saisir dans ces micro-événements ; elle nous offre autant de parenthèses poétiques dans la prose
des obligations sociales ou que nous nous donnons. Invite subtile à regarder au sens fort de s’arrêter
pour veiller au-delà du banal, de l’usé d’être trop vu.
Ce sont la buée sur nos lunettes qui s’efface lentement en action climatique, la vacuité d’un sac plastique
en déplacement aérien, la torsion d’une allumette qui brûle en sculpture. Elles les considèrent comme
de petits moments de grâce par leur éphémère et imperceptible vulnérabilité. Convocation à l’infra-
mince duchampien, esthétique ténue de l’infme, où de subtils écarts s’opèrent, parfois imperceptibles
et pour lequel il prenait un modèle des plus triviaux : « La chaleur d’un siège (qui vient d’être quitté)
est inframince ». Simone D. d’après la synopsis de l’artiste


Danielle RAYMOND, Isle-aux-coudres, 4 : 17 min.,
Can., GIV
Danielle Raymond aime interroger la possibilité de
l’image or celle-ci n’est pas sans lieu de projection,
sans support pour son éphémère matérialité.
Cependant l’écran habituel ne répond pas à son attente,
car il enserre, limite, emporte le fottement de cette
icone se faisant/défaisant. Il lui faut dépasser ce support
pourtant nécessaire en lui glissant en abyme d’autres
que lui, sur lesquels faire une première image ; les
rochers dans leur rotondité imparfaite, leur stabilité qu’un choc peut perturber répondent à son projet ;
pour preuve, l’explicit, après un gros plan attestant du bonheur de l’enfant - sujet de cette Ile - glisse
en un fondu au noir, ne revient que le rocher nu, rocher jusque-là le support de l’image d’une enfant.
Le flm vient, en effet, de cet autre lieu, celui d’enfance, sans doute des flms de famille que l’on lançait
pour le sourire et les jeux de l’enfant-roi.
Une fllette, cheveux courts, occupe toujours seule le champ mais en sourire, qu’elle courre en un ralenti
tendre, qu’elle remplisse sans s’en lasser un seau avec un gobelet, qu’elle meuve plus activement sa
balançoire accrochée à un arbre, debout ou assise. Le point de vue la privilégie ; la marine ou le ciel ne
se découvrent que selon la direction de la balançoire... mais ce, toujours sous la tonalité de l’eau dont
le gros plan sonore tient lieu de musique.
La marée basse dépasse, pourtant ce lieu rêvé des moments heureux du passé, de l’enfance idyllique,
puisque en strates, « projection » distille sa polysémie : l’image - du flm- éclairée dans son présent,
augure d’un futur souhaité de protection de l’espace susceptible de retour d’un tel bonheur simple,
tout en ouvrant un espace où lancer, attribuer un sentiment que l’on éprouve, un état de grâce.
L’Isle-aux-Coudres déborde, par cette temporalité toute en potentialités, le réel ce que l’option de
l’image en négatif, latente, glisse aussi. Simone D.


- 4’. Le Musée des Abattoirs / Decazeville -
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