Page 135 - catalogue 2017
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9. Cinémathèque de Toulouse - boucles sur écran Installations
Du frottement naît la chaleur. Le gros plan ne cache rien de leur émotion partagée... montée équivalente de la
chaleur... fondu au noir, la chambre, un tout autre mouvement, l’énergie porte… Reste à prouver l’entropie, la
montée du désordre, ce que dès la première image, Le Boléro exalte. Sa structure répétitive y participe, puisque le
thème d’ouverture s’enfamme, en même temps que s’ajoutent d’autres instruments, en variante des timbres, et en
un crescendo qui emporte jusqu’à la modulation fnale, avec des percussions qui défont l’espace premier celui du
calme, du sans travail.
La vidéo adopte cette montée : le thème, 1min 40 nécessaire à la « connaissance amoureuse », est bousculé par des
sautes qui deviennent sursauts, des rayures qui se multiplient, dont une en arc de cercle moins agressive mais très
explicite... des pointes de lumière perturbent de plus en plus la lisibilité, alors que le ficker apporte au « désordre »,
à la perte d’information. Ensuite des fashes blancs, silences iconiques par excellence, augurent de divers teintages,
d’abord distinguables jaune puis vert - analogiques aux divers timbres - puis en ficker quasiment mêlés, vert, rouge,
vert... les instruments se mêlent selon le thème... lorsque l’amour se fait, tous les sens sont en œuvre, y compris
lorsque cet amour est celui de la vidéo. Qui certes ne peut être qu’un éternel retour.
Simone Dompeyre
Cf. Pierre Trividic, Réfexions sur la puissance motrice de l’amour, Cinémathèque, p.43
Fabio SCACCHIOLI et Vincenzo CORE, Miss Candace Hilligoss’ fickering halo
13min40 (Ital.)
Les images détournées s’organisent en structures précaires et
évolutives, liées à des complots tordus dans un état d’efondrement
permanent. Elles visent à provoquer l’explosion d’un système
fermé, grâce à un déterminant de l’implosion audiovisuelle. Oubliez
tout ce que vous voyez en réalité. Un cri sans raison.
L’œil humain voit le monde grâce aux cellules photoréceptrices de
la rétine, membrane sensible à la lumière émise ou réféchie par les
objets alors que la lumière voyage à travers le temps et l’espace à
une certaine vitesse.
Ainsi, la lumière du soleil prend-elle huit minutes pour parvenir à nos yeux, tandis que celle d’autres étoiles réclame
plusieurs années-lumière.
La lumière générée ou réféchie par un objet ou une personne sur la terre prend un temps particulier parfois court,
ainsi une distance - courte, éternelle - se forme-t-elle entre nous et notre image de la réalité.
Même entre la pensée et l’action, entre la pensée et le langage, il y a ce laps de temps nécessaire à la transmission
du signal par l’intermédiaire d’impulsions électriques provenant du cerveau pour rejoindre les diférentes parties du
corps.
Miss Candace Hilligoss’ fickering halo se consacre à cette distance, à cet intervalle séparant et unissant, le silence
entre les mots, le noir entre les images. C’est un flm contre les oppositions dialectiques du cinéma, assemblés selon
le principe d’incertitude et de la relation au phénomène de la persistance rétinienne comme un outil d’expression.
Il emporte dans cette luminosité entrecoupée et vaillante, il capte par ses éblouissements alors que des fragments
d’autres images s’y glissent.
Pierre TRIVIDIC et Patrick Mario BERNARD, Le Cas Lovecraft, 45min (Fr.)
Pierre Trividic, Patrick Mario Bernard et Anne-louise Trividic : trois co-auteurs, si distincts et si complices en leur
projet que l’opus qu’ils composent, impose une nette force et une originalité pointue. Pourtant il répond à la gageure
d’une commande balisée : la série télévisuelle d’Un Siècle d’Écrivains, mais ne se dédiant pas à n’importe lequel
des romanciers puisque elle questionne l’image du tenant de la littérature fantastique américaine : Howard Phillips
Lovecraft. Suivre des contraintes pour en faire jaillir le plus fdèle des portraits dans le refus du code flmique du
portrait. Le discours suit les référents topiques de la biographie mais il en distingue trois espaces, qu’il spécialise : la
cuisine pour la vie personnelle, le recours aux archives pour l’Histoire et pour la pensée, espace psychique, l’image
retravaillée, l’implication plasticienne. La noirceur prédomine en écho de l’œuvre qui teinte de terreur l’onirisme, qui
saupoudre l’irrationnel de savoir et le scientifque d’irrationnel.
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