Page 137 - catalogue 2017
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10. Chapelle des Carmélites Installations


Gérard CAIRASCHI, IMMAGINE, 9min24 (Fr.)

Immagine le double « m » d’image en italien, le lé d’une gravure
de Dürer : Adam et Eve et le serpent et la musique américaine
de Tony Conrad pourraient induire à penser à un reniement
des fondamentaux de Gérard Cairaschi ; si Conrad n’était lui-
même expérimental y compris en flms comme The Flicker - titre
métonymique de la démarche de Gérard Cairaschi y compris dans
ce flm – si cette musique dite « drone » en privilégiant la reprise
des sons maintenus, les longues plages, comme ici de tambour
avec de rares variations harmoniques, ne provoquait pas un efet
hypnotique tout autant que les élans vocaux qu’afectionne l’œuvre.
L’entrelacement de la nature - arbre et mer - avec le visage et
les mains s’y consent en un noir et blanc plus inattendu chez lui,
mais écho de la gravure matrice, jusqu’à ce que s’accélérant, il
emporte vers la couleur d’un vert brillant d’où se détache LA pomme luisante. Les fots en houle circonscrivent
tumultueusement un rocher ; le tronc d’arbre noueux et tordu mime les méandres du serpent… sans jamais
succomber à la facile analogie. De la tentation, la main imite le geste ou varie sa position en écho à divers postures
codées de l’iconographie religieuse ou en approches amoureuses : elle se lève, orante, doigt levé, elle se penche
pour saisir en Pieta le bras de l’autre, elle se courbe en coquille retenue par l’autre, elle s’approche pour enfermer
l’autre ou le visage en enlacement.

L’image refuse la tranquille narration ; le montage la transforme par un rythme très particulier à l’artiste qu’il compose
par la succession de plans de trois images : une « pulsation » dont il dit : « Je cherche à fabriquer une troisième image
avec deux images, deux plans, préexistants (…) c’est dans leur rapport que tout se fabrique. Je pars sur certaines
thématiques et je collecte au fl du temps des plans en rapport avec ma préoccupation, mais sans nécessairement
être totalement fgé sur une idée. (…) Je commence à travailler avec un premier plan qui m’interpelle et qui constitue
l’ancrage du projet. »
De tels rapprochements opèrent ainsi que des rimes le font donnant non seulement échos sonores mais échos de
sens, l’un à l’autre, les référents gardent un pouvoir émotif et mémoriel mais en lecture entrelacée.
Ainsi la jeune flle à la beauté assurée darde en tentatrice, un regard adressé, un si léger sourire se dessinant et la
position de son visage se faisant plus frontale… pas de crainte d’un péché, d’un manquement, le visage est enjôleur,
le ficker / pulsation est ravissant au double sens du terme.

La proposition faite à Gérard Cairaschi de ce processus d’exposition de Immagine à même le faux marbre de la
Chapelle, revenait - sans trop le savoir - à diverses de ses pratiques puisqu’il fut – lui aussi (comme Traverse Vidéo)
un de ceux à défendre la relation : vidéo / arts plastiques / cinéma au grand dam des tenants de l’un ou de l’autre
pensé comme territoire fermé.
Étudiant à l’école d’art d’Aix-en-Provence, il se dévoue tout autant aux arts plastiques qu’au cinéma qu’il pratiquait
en Super 8, depuis ses 15 ans, ce qui l’entraîne à l’installation comme aux projections de flms sur des écrans en
relief, des « écrans préparés », soutenu par certains de ses professeurs alors-même que l’enseignement spécifque
n’existait pas encore. Après cette pratique de l’expérimental avant la lettre, il monte des dispositifs multi- écrans
où circule la pellicule d’un projecteur à un autre avant d’oser - l’époque est au confit entre les deux médiums -
poursuivre avec la vidéo « médium qu’il pratiquait depuis 1974, date la plus ancienne pour l’usage de la vidéo par
des plasticiens en France. »
Audace puisqu’en vidéo, il interroge le fondement cinématographique.
Simone Dompeyre
Cf. Autre oeuvre, Les Abattoirs, p.63



Frédérique CHAUVEAUX, Incendie, 2min27 (Fr.)
Le vêtement s’avère souvent marqueur d’un groupe voire du rang dans le groupe alors forme, tissu, couleur
deviennent indiciels. Certains traits se répandent comme le blanc associé à la pureté première, à l’originel, mais
aussi à son opposé, le deuil en vertu du contradictoriel qui fait cohabiter les signifés inverses : si pour l’un, le blanc
est neutre voire terne, il désigne aussi la brillance contraire / blank = blanc / brillant tout à la fois. Il est signifant des
rites de passage.

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