Page 37 - catalogue 2017
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3. Cinéma UGC Projections



L’ordre des fragments retenus compose une biographie d’après l’accident réel rappelé par un carton. Il forme la
phrase de la vie de l’acteur. La narration est linéaire ne se permettant qu’un retour de plan et un fash-back conclusif
avec un plan frontal de l’acteur en voiture. Postface passe à la couleur quand et parce que les flms américains l’ont
adoptée, cela coïncide avec des plans de l’acteur, visage visiblement plus marqué. Le gros plan du visage reste
privilégié car les changements de regard trahissent ses préoccupations et son malaise grandissant. En prélude,
avant le premier carton, le visage indemne laisse déjà passer une interrogation dans ses yeux.
Souvent des obstacles, des embarras gênent l’homme et gênent la perception que l’on a de lui car le plan saute,
des saccades l’attaquent, ce que doublent fenêtre, compartiment, voiture qui l’enferment.

Des plans aniconiques commentent le réel du vécu, eux laissés stables: « Comme un virus la rumeur s’infltrait
partout / potins propagation », un carton sans texte est accompagné de cris perçants. Un dernier en coda lance
un étrange « après moi le déluge » accordant, à l’homme, cette riposte contre les autres, riposte dernière. De rares
segments de dialogue ponctuent cette descente vers la perte de soi, la mort. Le champ lexical passe de « d’accord
/ mon visage, ça va / My face is fne », de la demande de confance à celui de l’incompréhension, de la non
reconnaissance, de l’accusation et de la manipulation.

Des cris, une sonnerie et un éclair d’opéra, début d’un récitatif de Callas ? qui subit, par ricochet, un tressaillement
comme l’image. Des drops numériques, des raies du type de celles tracées lors du rembobinage déconstruisent
l’espace quotidien. Ces déformations de l’image s’attaquent très précisément au visage, en petits carrés
déconstructeurs de la joue, avant d’emporter dans le noir, ce côté du visage. Cette attaque évite toute ambiguïté
puisqu’elle suit un plan-portrait attestant l’identité de l’acteur et non de tel ou tel être fctif. En efet, les plans de
flm sont décontextualisés, très écourtés et très brouillés afn de perturber voire d’empêcher la reconnaissance des
flms-sources... sans doute tel costume et tel comportement viennent-ils des Misfts / Les Inadaptés en français,
mais cela répond à la représentation faite de Montgomery Clift et au mal-être lisible de plus en plus dans les derniers
plans, désormais en couleur, où l’homme boit.

Outre la logique du montage, les divers processus de l’image numérique apparentent les divers plans; mosaïque,
noir envahissant sont indiciels de son mal corporel et mental, de ses maux indissociablement. Le dernier perd
jusqu’à la précision du noir et blanc quand des couleurs emmêlées en mouvements ondulatoires annulent son
iconicité. Fréderic Mofet prouve que le footage n’est pas un emprunt éhonté; sa réappropriation s’afrme comme
un processus d’écriture et un geste de reconnaissance d’un homme.

Simone Dompeyre


Franck H PERROT, M + M, 2min14 (Fr.)

M+M pourrait être l’acronyme de Les Masses Merveilleuses,
chorégraphie et danse de Pierre Doussaint (1958-2013) comme
celui de M le Maudit de Fritz Lang.
La vidéo suit la montée progressive d’un mal souterrain et
incontrôlable, la prédation aussi complice que subie d’un groupe
attentiste, docile et absent. Les fgures y abandonnent action et
volonté au contact des lèvres du vampire.
En cela, rien de très nouveau, pourtant, les pires relents du passé
refont surface depuis désormais près de vingt ans, les rats quittent
le navire et difusent la peste sur la ville insouciante…
Dans la pièce M+M, cet « État du Monde, sait qu’il est construction
à chaque fois d’un monde désiré ou refusé » par la brutalité de son montage, l’apprêté de son design, d’images
brutes et mal dégrossies – un croquis rêche et nécessaire pour moi, maintenant.










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